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Sri Aurobindo

Le Secret du Véda
Suivi de hymnes choisis du Rig-Véda

Avec commentaires

3. Indra et les Maruts, pouvoirs de la pensée (1.171)

1.171.1

प्रति॑ व ए॒ना नम॑सा॒हमे॑मि सू॒क्तेन॑ भिक्षे सुम॒तिं तु॒राणा॑म् ।

र॒रा॒णता॑ मरुतो वे॒द्याभि॒र्नि हेळो॑ ध॒त्त वि मु॑चध्व॒मश्वा॑न् ॥१॥

prati vaḥ enā namasā aham emi su-uktena bhikṣe su-matim turāṇām

rarāṇatā marutaḥ vedyābhiḥ ni heḻaḥ dhatta vi mucadhvam aśvān

C’est moi qui viens à vous avec cette soumission; je cherche par le Verbe parfait la pensée juste de vous, les rapides voyageurs; savourez, ô Maruts, les choses de la connaissance, oubliez votre courroux et dételez vos coursiers.

1.171.2

ए॒ष व॒: स्तोमो॑ मरुतो॒ नम॑स्वान्हृ॒दा त॒ष्टो मन॑सा धायि देवाः ।

उपे॒मा या॑त॒ मन॑सा जुषा॒णा यू॒यं हि ष्ठा नम॑स॒ इद्वृ॒धासः॑ ॥२॥

eṣaḥ vaḥ stomaḥ marutaḥ namasvān hṛdā taṣṭaḥ manasā dhāyi devāḥ

upa īm ā yāta manasā juṣāṇāḥ yūyam hi stha namasaḥ it vṛdhāsaḥ

Voici, ô Maruts, avec ma soumission l’hymne de votre affirmation; façonné par le cœur, il a été confirmé par le mental, ô dieux; approchez-vous donc, l’acceptant avec délice dans votre mental, car vous faites croître la soumission.1

1.171.3

स्तु॒तासो॑ नो म॒रुतो॑ मृळयन्तू॒त स्तु॒तो म॒घवा॒ शम्भ॑विष्ठः ।

ऊ॒र्ध्वा नः॑ सन्तु को॒म्या वना॒न्यहा॑नि॒ विश्वा॑ मरुतो जिगी॒षा ॥३॥

stutāsaḥ naḥ marutaḥ mṛḻayantu uta stutaḥ magha-vā śam-bhaviṣṭhaḥ

ūrdhvā naḥ santu komyā vanāni ahāni viśvā marutaḥ jigīṣā

Affirmés, que les Maruts nous soient bienveillants, comme aussi, affirmé, Maghavan, Seigneur de plénitude, est devenu le plus grand créateur de félicité. Qu’exaltés soient nos délices enviables2, ô Maruts, exaltés tous nos jours par la volonté de vaincre

1.171.4

अ॒स्माद॒हं त॑वि॒षादीष॑माण॒ इन्द्रा॑द्भि॒या म॑रुतो॒ रेज॑मानः ।

यु॒ष्मभ्यं॑ ह॒व्या निशि॑तान्यास॒न्तान्या॒रे च॑कृमा मृ॒ळता॑ नः ॥४॥

asmāt aham taviṣāt īṣamāṇaḥ indrāt bhiyā marutaḥ rejamānaḥ

yuṣmabhyam havyā ni-śitāni āsan tāni āre cakṛma mṛḻata naḥ

Moi, sous l’empire de ce Puissant, tremblant de peur devant Indra, ô Maruts, j’ai rejeté ces offrandes qui avaient été pour vous rendues intenses; accordez-moi votre grâce.

1.171.5

येन॒ माना॑सश्चि॒तय॑न्त उ॒स्रा व्यु॑ष्टिषु॒ शव॑सा॒ शश्व॑तीनाम् ।

स नो॑ म॒रुद्भि॑र्वृषभ॒ श्रवो॑ धा उ॒ग्र उ॒ग्रेभि॒: स्थवि॑रः सहो॒दाः ॥५॥

yena mānāsaḥ citayante usrāḥ vi-uṣṭiṣu śavasā śaśvatīnām

saḥ naḥ marutbhiḥ vṛṣabha śravaḥ dhāḥ ugraḥ ugrebhiḥ sthaviraḥ sahaḥ-dāḥ

Toi par qui les mouvements du mental prennent conscience et éclat3, avec une puissance lumineuse4 dans les matins [splendeurs] de nos aurores continues, ô Taureau5, fonde en nous grâce aux Maruts la connaissance inspirée, par leur énergie, toi l’énergique, le constant, le donneur de force.

1.171.6

त्वं पा॑हीन्द्र॒ सही॑यसो॒ नॄन्भवा॑ म॒रुद्भि॒रव॑यातहेळाः ।

सु॒प्र॒के॒तेभि॑: सास॒हिर्दधा॑नो वि॒द्यामे॒षं वृ॒जनं॑ जी॒रदा॑नुम् ॥६॥

tvam pāhi indra sahīyasaḥ nṝn bhava marutbhiḥ avayāta-heḻāḥ

su-praketebhiḥ sasahiḥ dadhānaḥ vidyāma iṣam vṛjanam jīra-dānum

Protège, ô Indra, ces Pouvoirs divins6 avec leur puissance accrue, apaise ta colère envers les Maruts, confirmé dans ta suprématie par eux qui perçoivent juste; et puissions-nous trouver cette impulsion de force qui fera une vive percée.

Commentaire

Succédant au “Colloque d’Indra et d’Agastya”, ce Sukta est l’hymne dans lequel Agastya cherche à se rendre propices les Maruts, dont il avait interrompu le sacrifice sur les injonctions de la divinité plus puissante. Plus subtilement, sa pensée rappelle celle de l’hymne 165 du premier Mandala, “le colloque d’Indra et des Maruts”, qui proclame la suprématie du Seigneur du Ciel et fait de ces cohortes brillantes mais mineures des pouvoirs subalternes communiquant aux hommes leur impulsion vers les nobles vérités appartenant à Indra. “Donnant l’énergie de votre souffle à leurs pensées chatoyantes, incitez-les à la connaissance de mes vérités. Chaque fois que l’acteur deviendra actif dans son action et que l’intelligence du penseur nous créera en lui, tournez-vous assurément, ô Maruts, vers ce voyant illuminé” (1-165-13,14). Ainsi s’achève le colloque, tel est le dernier ordre donné par Indra aux divinités inférieures,

Ces vers définissent assez clairement la fonction psychologique des Maruts, non pas à proprement parler dieux de la pensée, mais plutôt dieux de l’énergie, celle-ci agissant toutefois dans le mental. Pour l’adorateur aryen non averti, les Maruts représentaient les pouvoirs du vent, de la tempête et de la pluie; dépeints le plus souvent par des images suggérant la tempête, on les appelle les Rudras, les féroces, les impétueux – nom qu’ils partagent avec le dieu de la Force, Agni. S’il arrive qu’on fasse d’Indra l’aîné des Maruts, indrajyeṣṭho marudgaṇaḥ, ceux-ci semblent plutôt à première vue appartenir au domaine de Vayu, le dieu du Vent, qui dans le système védique est le Maître de la Vie, inspirateur de ce Souffle ou énergie dynamique, appelé Prana, incarné chez l’homme par les fonctions vitales et nerveuses. Mais ceci n’est qu’un aspect de leur physionomie. La brillance, autant que la fougue, les caractérise. Tout chez eux luit, leur personne, leurs armes étincelantes, l’or de leurs bijoux, leurs chars resplendissants, Non seulement précipitent-ils la pluie, les eaux, l’abondance du ciel, et renversent-ils les choses les plus solidement établies pour laisser le champ libre à des mouvements nouveaux et des formations nouvelles, fonctions qu’ils partagent du reste avec d’autres dieux, Indra, Mitra, Varuna, mais ils sont également tout comme eux partisans de la Vérité, créateurs de la Lumière, ceux-là même qu’implore le Rishi Gotama Rahugana: “O vous qui possédez la force fulgurante de la Vérité, manifestez-la par votre puissance, pourfendez de votre éclair le Rakshasa. Voilez le voile de l’obscurité, chassez tous les dévoreurs, créez la Lumière que tant nous désirons” (1-86-9,10). Et Agastya leur dit dans un autre hymne: “Ils véhiculent la douceur (de l’Ananda), c’est leur enfantement éternel, et jouent leur jeu, brillants dans les activités de la connaissance” (1-166-2). Les Maruts sont par conséquent les énergies de la mentalité, les énergies qui tendent à la connaissance. Chez eux point de vérité établie, de lumière diffuse, mais le mouvement, la recherche, la lueur de l’éclair et, une fois trouvée la Vérité, le jeu multiface de ses diverses illuminations.

Dans son colloque avec Indra (1.170), Agastya, nous l’avons vu, évoque à plusieurs reprises les Maruts. Ce sont les frères d’Indra, le dieu ne devrait donc pas s’en prendre à Agastya qui fait effort vers la perfection. Ils en sont les instruments, Indra devrait donc s’en servir. Et dans la formule finale de soumission et de réconciliation, Agastya supplie le dieu de renouer le dialogue avec les Maruts et de s’entendre avec eux pour permettre au sacrifice de se poursuivre selon l’ordre et le mouvement de la Vérité divine vers laquelle il est dirigé. La crise, qui a si fortement marqué le mental du voyant, s’est traduite alors par un violent conflit opposant le Pouvoir divin supérieur à la progression tumultueuse d’Agastya et des Maruts. Il y a eu colère et lutte entre l’Intelligence divine qui gouverne le monde et l’aspiration véhémente des pouvoirs du mental d’Agastya. Tous deux voudraient que l’être humain atteigne son but; mais il n’appartient pas aux pouvoirs divins inférieurs de choisir comment doit procéder cette marche – c’est à la volonté supérieure d’une Intelligence secrète à laquelle rien ne manque d’en décider pour l’intelligence manifestée qui, elle, continue de chercher. Voilà pourquoi le mental de l’être humain, transformé en champ de bataille où s’affrontent de plus grands Pouvoirs, encore sous le coup de cette terrible expérience, frémit de stupeur et d’effroi.

(rik 1) – La soumission à Indra est chose faite; Agastya implore maintenant les Maruts d’accepter les termes de la réconciliation, afin que l’harmonie totale de son être intérieur puisse être rétablie. Il s’en approche avec la soumission témoignée au dieu plus puissant et traite leurs brillantes légions avec le même respect. La perfection qu’il souhaite, celle d’un certain état mental et de ses pouvoirs, leur précision, rectitude, énergie respectueuse de la vérité, est impossible sans cette cavalcade des Forces de la Pensée se ruant vers la connaissance supérieure. Mais l’opposition formidable d’Indra interrompt ce mouvement mal dirigé, mal éclairé, qui, temporairement, quitte le mental d’Agastya. Repoussés, les Maruts l’ont abandonné pour d’autres adeptes du sacrifice; c’est ailleurs que brillent leurs chars resplendissants, en d’autres provinces que tonnent les sabots de leurs montures qui filent comme le vent. Le voyant les supplie d’oublier leur courroux, de reprendre goût à la quête de la connaissance et à ses activités; cessant désormais de l’ignorer, qu’ils détellent leurs coursiers, descendent de leurs chars, prennent place sur l’aire du sacrifice et acceptent leur part des offrandes.

(rik 2) – Car il voudrait reconfirmer en lui ces énergies splendides, et c’est “un hymne d’affirmation” qu’il leur adresse, le stóma des sages védiques. Pour le système des Mystiques, qui a partiellement survécu dans les écoles du Yoga indien, le Mot est un pouvoir, le Verbe crée. Car toute création est expression, tout existe déjà dans la demeure secrète de l’Infini, guhā hitam, et il suffit, pour le manifester, que la conscience active lui donne une apparence formelle. Certaines écoles de pensée védique estiment même que les mondes ont été créés par la Déesse du Verbe et que le son, vibration initiale de l’éther, a précédé leur formation. Quelques passages dans le Véda lui-même font des cadences poétiques des mantras sacrés – anuṣṭúbh, triṣṭubh, jágatī, gāyatrī, le symbole des rythmes présidant au mouvement universel des choses.

Donc exprimer, c’est créer, on va même jusqu’à dire que les hommes créent en eux-mêmes les dieux à l’aide du mantra. En outre, ce que nous avons, par le Verbe, créé dans notre conscience, nous pouvons, par le Verbe, l’y fixer, pour que cela fasse partie de nous-mêmes et agisse non seulement dans notre vie intérieure mais sur le monde matériel extérieur. L’expression constitue, l’affirmation établit. Gīḥ ou vacas; désigne ce pouvoir d’expression de la parole, stóma son pouvoir d’affirmation. Dans les deux cas, elle est appelée manma ou mantra, expression de la pensée dans le mental, et brahman, expression du cœur ou de l’âme – car tel semble avoir été le premier sens du mot brahman7, avant de qualifier l’Ame suprême ou Être universel.

Le deuxième vers décrit comment se forme le mantra, ainsi que les conditions de son efficacité. Agastya offre aux Maruts le stóma, hymne à la fois d’affirmation et de soumission. Façonné par le cœur, il reçoit sa juste place dans la mentalité une fois confirmé par le mental. Même s’il exprime la pensée dans le mental, le mantra n’est pas essentiellement un produit de l’intellect. Pour devenir parole sacrée et se réaliser, il faut qu’il vienne comme une inspiration du plan supramental, nommé dans le Véda ṛtam, la Vérité, et soit capté par la conscience frontale, en passant soit par le cœur soit par l’intelligence éclairée, manīṣā. Le cœur, pour la psychologie védique, n’est pas seulement le siège des émotions; il inclut toute cette vaste zone de la mentalité spontanée, à la limite de notre subconscient, d’où remontent les sensations, émotions, instincts, impulsions et toutes ces intuitions et inspirations qu’ils véhiculent avant d’arriver à prendre forme dans l’intelligence. Voilà ce que Véda et Védanta appellent le “cœur”, hṛdaya, hṛd ou brahman. Au stade actuel de l’humanité, c’est là, estime-t-on, qu’est centré le Purusha. À proximité de l’immensité du subconscient, c’est là, chez l’être humain ordinaire – l’homme qui ne s’est pas encore hissé à un plan supérieur où le contact avec l’Infini est lumineux, intime et direct – que les inspirations de l’Âme universelle peuvent le plus facilement accéder et le plus rapidement investir l’âme individuelle. C’est donc le cœur qui permet au mantra de se constituer. Mais celui-ci doit être reçu et maintenu dans la pensée de l’intelligence aussi bien que dans les perceptions du cœur; car, tant que l’intelligence ne l’a ni adopté ni même médité, cette vérité de la Pensée qu’exprime la vérité du Verbe ne pourra pas être durablement acquise ou produire l’effet escompté. Façonné par le cœur, le mantra est confirmé par le mental.

Mais un autre consentement est également nécessaire. Le mental individuel a accepté; les pouvoirs efficients du Cosmos doivent en faire de même. Les paroles de l’hymne conservées par le mental servent de base à la nouvelle attitude mentale d’où partiront les futures énergies de pensée. Les Maruts doivent s’en approcher, prendre appui sur elles, le mental de ces Pouvoirs universels approuver et s’unir aux formations du mental de l’individu. Ainsi seulement notre action intérieure pu extérieure pourra-t-elle devenir suprêmement efficace.

Les Maruts n’ont du reste aucune raison de refuser leur accord ou de prolonger la discorde. Pouvoirs divins soumis eux-mêmes à une loi plus élevée que l’impulsion personnelle, ils devraient avoir pour mission comme ils ont pour nature essentielle, d’aider le mortel à se soumettre à l’Immortel et à obéir de plus en plus à la Vérité, au Vaste, auxquels ses facultés humaines aspirent.

(rik 3) – Indra, affirmé et accepté, n’est plus dans sa relation avec le mortel une cause de souffrance; le contact divin apporte une paix et une félicité totales. Les Maruts, affirmés et acceptés, doivent eux aussi renoncer à leur violence. Manifestant leur aspect plus clément, agissant avec bienveillance, cessant de conduire l’âme de conflits en tourments, ils doivent à leur tour devenir des intermédiaires purement bénéfiques et puissants.

Dès que cette complète harmonie sera instaurée, le Yoga d’Agastya poursuivra sa marche triomphale sur la voie nouvelle et directe qui lui a été prescrite. Monter à un plan supérieur reste le but – supérieur à la vie ordinaire faite de sensations, émotions, pensées, actions égoïstes et fragmentées. Et il faut continuer de s’y consacrer avec cette même puissante volonté de vaincre tout ce qui résiste et s’interpose. Mais ce soulèvement doit être intégral. Toutes les joies que l’être humain recherche et désire, toutes les énergies actives de sa conscience de veille – “ses jours”, pour employer le symbolisme laconique propre au Véda –, doivent être sublimées pour gagner ce plan supérieur. Vanāni désigne les sensations réceptives qui cherchent en chaque objet l’Ananda, cette quête étant leur raison d’être. Celles-ci non plus ne seront pas écartées. Rien ne doit être rejeté, tout doit être élevé aux purs niveaux de la conscience divine.

(rik 4) – Les conditions dans lesquelles Agastya avait commencé par préparer le sacrifice pour les Maruts étaient différentes. Il avait mis la pleine mesure de leur force dans tout ce qu’il souhaitait, chez lui, confier aux Pouvoirs de la Pensée; son sacrifice étant défectueux, le puissant Seigneur, tel un ennemi, s’était interposé, mais la peur et de grandes souffrances finirent par ouvrir les yeux du Rishi et forcèrent son âme à abdiquer (1-170). Encore tout bouleversé par cette expérience, il avait dû renoncer aux activités qu’il avait si vigoureusement préparées. Le voilà maintenant qui reprend son sacrifice aux Maruts, mais cette fois associe à ce Nom lumineux la divinité plus puissante d’Indra. Que les Maruts donc ne lui en veuillent pas d’avoir interrompu le sacrifice, mais acceptent cette action nouvelle plus justement guidée.

(rik 5) – Dans les deux derniers vers, Agastya abandonne les Maruts pour se tourner vers Indra. Symbolisant l’illumination progressive de la mentalité humaine depuis les premiers mouvements obscurs du mental tout juste sortis de l’obscurité du subconscient, les Maruts se transforment peu à peu en une image de la conscience lumineuse dont Indra est le Purusha, le représentant de l’Être. Obscurs, ils deviennent conscients; jadis lueurs crépusculaires, pénombres ou reflets trompeurs, ils réparent ces carences et revêtent la brillance divine. Cette grande évolution s’effectue progressivement dans le Temps, durant “les matins” de l’esprit humain, alors que s’enchaînent les Aurores. Car la déesse Aurore symbolise dans le Véda l’illumination divine qui ouvre de nouveaux passages vers la conscience physique de l’homme. Elle alterne avec sa sœur la Nuit; mais cette obscurité elle-même est mère de lumière et éternellement l’Aurore vient révéler ce qu’avait préparé la Mère au front noir. Il semble cependant que le voyant fasse ici allusion aux aurores continues, ininterrompues par ces intermèdes de repos et d’obscurité apparents. La force éclatante de cette série d’illuminations successives fait que la mentalité de l’homme s’élève rapidement dans la lumière la plus totale. Mais la puissance qui a régi et rendue possible la transformation demeure celle d’Indra. C’est cette Intelligence suprême qui, pour se déverser dans l’être humain, se sert des Aurores, se sert des Maruts. Indra est le Taureau de ce radieux troupeau, le Maître des énergies de la pensée, le Seigneur des aubes lumineuses.

Qu’Indra utilise, maintenant aussi, les Maruts comme instruments de l’illumination. Qu’il s’en serve pour établir la connaissance supramentale chez le voyant. Leur énergie viendra appuyer la sienne dans la nature humaine, nature à laquelle il fournira en retour sa divine fermeté, sa force divine, pour lui éviter de vaciller sous le choc ou lui permettre de contenir le jeu plus vaste d’activités puissantes, généralement intolérables.

(rik 6) – Les Maruts, en dépit de ce regain de force, auront toujours besoin d’un Pouvoir supérieur qui les guide et les protège. Ils sont les Purushas des énergies de pensée particulières, Indra le Purusha unique de toute l’énergie de la Pensée. Ils trouvent en lui leur plénitude et leur harmonie. Que cessent donc le conflit et le désaccord entre ce tout et ces parties. Les Maruts, acceptant Indra, en recevront la juste perception des choses qui doivent être connues. L’éclat trompeur d’une lumière partielle ne les égarera plus, l’absorption d’une énergie limitée ne les emportera pas dans leur élan. Ils pourront désormais supporter l’action d’Indra quand il jettera sa force contre tout ce qui pourra encore se dresser entre l’âme et son apothéose.

Alors, dans l’harmonie de ces Pouvoirs divins et leurs aspirations, puisse l’humanité trouver cette impulsion qui saura se frayer un passage à travers les myriades d’oppositions de ce monde et, dans l’individu et sa personnalité composite ou dans la race, puisse-t-elle s’élancer rapidement vers un but si constamment entrevu et pourtant si distant encore, même pour celui qui s’imagine sur le point de l’atteindre.

 

1 Namas – Sayana donne tout du long à namas le sens de nourriture qu’il affectionne tant; car la formule “accroisseurs de salutations” est visiblement impossible. Mais ce passage et certains autres montrent clairement que, outre le geste de la révérence, le mot namas implique aussi une signification psychologique, qui se distingue ici nettement de l’acte purement physique.

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2 Vanāni – Le mot signifie à la fois “forêts” et “plaisirs, régal”, ou pris comme adjectif “délectable”. Il a généralement ce double sens dans le Véda, “les pousses ou croissances agréables” de notre existence physique, romāṇi pṛthivyāḥ (1-65-4).

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3 Usrāḥ. Au féminin, ce mot sert de synonyme au védique go, qui désigne simultanément la Vache et le rayon de lumière. Uṣas, l’Aurore, est elle aussi gómatī, “ceinte de rayons” ou “accompagnée par les troupeaux” du Soleil. Le texte comporte une assonance très révélatrice, usrā vy-uṣṭiṣu, un des procédés employés couramment par les Rishis védiques pour suggérer une pensée ou un rapprochement qu’ils n’estiment pas essentiel d’expliciter.

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4 Śavas – Quantité de termes dans le Véda désignent la force, l’énergie, le pouvoir, et chacun d’eux comporte une nuance sémantique particulière. Śavas cumule d’habitude les notions de lumière et de force.

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5 Vṛṣabha. Taureau, Mâle, Seigneur, Puissant. Indra est appelé constamment Vṛṣabha ou Vṛṣan. Le mot est tantôt employé seul comme ici, tantôt associé à un autre mot utilisé comme complément et suggérant l’idée de troupeaux, par exemple, Vṛṣabha matīnām, le Seigneur des pensées, où l’image du taureau et du troupeau est délibérément visée.

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6 Nṝn. Le mot nṛ semble avoir signifié au départ actif, vif ou fort. Nous trouvons nṛmṇa, force, et nṛtama nṛṇām (1-77-4), le plus puissant des Pouvoirs. Il désignera plus tard un mâle ou un homme, et dans le Véda il caractérise très souvent les dieux, en tant que pouvoirs masculins, ou Purushas, supervisant les énergies de la Nature, par opposition aux pouvoirs féminins appelés gnā.

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7 Un le trouve aussi sous la forme bṛh (Brihaspati, Brahmanaspari); et il semble qu’il y ait eu des graphies plus anciennes, bṛhan et brahan. C’est de brahan (génitif: brahnas) qu’est très probablement issu le grec phren, phrenos, qui signifie mental.

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