SRI AUROBINDO
Lettres sur le Yoga
Volume 2. Section 2
5. La sâdhanâ par le travail
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La vie ordinaire consiste à faire un travail dans un but personnel et pour satisfaire ses désirs sous une direction mentale ou morale, parfois influencée par un idéal mental. Le yoga de la Guîtâ consiste à offrir son travail en sacrifice au Divin, à conquérir le désir, à agir sans ego et sans désir, à avoir de la bhakti pour le Divin, à entrer dans la conscience cosmique, à sentir son unité avec toutes les créatures et à s'unir au Divin. Notre yoga y ajoute la descente de la Lumière et de la Force supramentales (ce qui est son but ultime) et la transformation de la nature.
Lumières sur le Yoga. chapitre IV. Traduction de la Mère.
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En général les hommes travaillent et vaquent à leurs affaires sous l'impulsion des mobiles ordinaires de l'être vital: nécessité, désir de la richesse, de la réussite, d'une situation en vue, du pouvoir ou de la renommée, ou encore besoin d'agir et plaisir de manifester ses capacités; ils réussissent ou échouent selon leurs possibilités, leur puissance de travail et la fortune, bonne ou mauvaise, qui est la conséquence de leur nature et de leur karma. Quand on entreprend le yoga et que l'on désire consacrer sa vie au Divin, ces mobiles ordinaires de l'être vital ne peuvent plus avoir leur pleine liberté d'action; ils doivent être remplacés par un autre mobile, principalement psychique et spirituel, qui permettra au sâdhak de travailler avec autant de force qu'auparavant non plus pour lui-même, mais pour le Divin. Si les mobiles ou la force ordinaires du vital ne peuvent plus agir en toute liberté et ne sont pourtant pas remplacés par autre chose, l'élan, la force apportés dans le travail peuvent décliner ou le pouvoir de s'assurer la réussite disparaître. Si le sâdhak est sincère cette difficulté ne peut être que temporaire, mais il doit déceler le défaut dans sa conscience ou dans son attitude et l'éliminer. Alors le Pouvoir divin lui-même agira par l'intermédiaire du sâdhak et utilisera ses capacités et sa force vitale à ses propres fins. Dans votre cas, c'est l'être psychique et une partie du mental qui vous ont attiré vers le yoga et y étaient prédisposés. Mais la nature vitale, au moins en grande partie, ne s'est pas encore alignée sur le mouvement psychique. La consécration pleine et entière de la nature vitale n'est pas encore venue.
Les signes de cette consécration du vital dans l'action sont entre autres les suivants:
Le sentiment (pas seulement l'idée ou l'aspiration) que toute la vie et tout le travail appartiennent à la Mère et une joie puissante de la nature vitale dans cette consécration et ce don de soi. Un calme contentement et la disparition de l'attachement égoïste au travail et aux satisfactions personnelles qu'il procure, mais en même temps une grande joie dans le travail et dans l'usage des capacités à des fins divines.
Le sentiment que la Force divine agit à l'arrière-plan et guide les actes à tout moment.
Une foi tenace qu'aucune circonstance, aucun événement ne peut entamer. Si des difficultés se présentent, elles font naître non des doutes dans le mental ou une acceptation inerte, mais la ferme conviction que si la consécration est sincère, la Shakti divine éliminera les difficultés; cette conviction s'accompagne d'un recours plus fréquent à la Shakti et d'une confiance plus complète en elle à cette fin. Quand la foi et la consécration sont totales, une réceptivité à la Force vient aussi qui vous fait accomplir l'action juste et adopter les moyens justes; alors les circonstances s'adaptent et le résultat apparaît.
Pour parvenir à cet état, l'important est une aspiration, un appel et une offrande de soi persévérants et une volonté de rejeter tout ce qui, en soi et autour de soi, obstrue le chemin. Des difficultés, il y en aura toujours au début et aussi longtemps que ce sera nécessaire au changement; mais elles ne pourront manquer de disparaître si l'on y oppose une foi, une volonté et une patience stables.
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C'est dans le Karmayoga ordinaire que le sâdhak choisit lui-même son travail et l'offre au Divin; le travail lui est donné dans le sens où il est amené à le choisir par une impulsion de son mental, de son cœur ou de son vital derrière laquelle il sent un pouvoir cosmique ou le Pouvoir cosmique; il essaie alors de s'entraîner à voir à l'arrière-plan de toutes les actions la Force unique qui élabore en lui et dans les autres le Dessein cosmique.
Dès qu'il a pour idéal de se donner directement au Divin, il doit trouver ce qui le fera mouvoir ou le guidera directement; c'est pourquoi il rejette tout ce qu'il identifie comme des impulsions purement mentales, vitales ou physiques issues de sa propre nature ou de la Nature universelle. Bien entendu ce don de soi ne prend tout son sens que lorsque le sâdhak est prêt.
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Je ne crois pas pouvoir vous donner un conseil sur la voie que vous avez choisie; il m'est en tout cas difficile de dire quoi que ce soit de définitif sans connaître davantage de faits précis que n'en contient votre lettre.
Vous n'avez pas besoin de changer le mode de vie et de travail que vous avez choisi tant que vous sentez qu'il est la voie de votre nature (svabhāva), qu'il vous est dicté par votre être intérieur ou que, pour une raison ou pour une autre, vous le considérez comme votre vrai dharma. Ce sont les trois signes; à part cela je ne sais pas si l'on peut fixer une ligne de conduite, prescrire un mode de travail ou un mode de vie pour pratiquer le yoga de la Guîtâ. Le plus important, c'est l'esprit ou la conscience qui préside au travail; la forme extérieure peut varier grandement selon les différentes natures. Il en est ainsi tant que l'on n'a pas l'expérience constante du Pouvoir divin qui se charge de nos œuvres et les accomplit; ensuite c'est le Pouvoir qui détermine ce qui doit ou ne doit pas être fait.
Surmonter tous les attachements est nécessairement difficile et ne peut être que le fruit d'une longue sâdhanâ, à moins d'une croissance générale rapide dans l'expérience spirituelle intérieure qui est la substance même de l'enseignement de la Guîtâ. La cessation du désir des profits tirés du travail et de l'attachement au travail lui-même, la croissance de l'égalité à l'égard de tous les êtres, de tous les événements, de la bonne et de la mauvaise réputation, de la louange et du blâme, de la bonne et de la mauvaise fortune, l'abandon de l'ego qui sont nécessaires pour perdre tous les attachements, ne peuvent être complets que lorsque le travail tout entier devient un sacrifice spontané au Divin, lorsque le cœur Lui est offert et que l'expérience du Divin en toutes choses et en tous les êtres est devenue stable. Cette conscience ou cette expérience doit venir dans toutes les parties et tous les mouvements de l'être, sarvabhāvena, pas seulement dans le mental et l'idée; tous les attachements disparaissent alors aisément. Je parle de la voie du yoga de la Guîtâ, car dans la vie ascétique on atteint le même but par une voie différente, en se séparant de tous les objets d'attachement, d'où une atrophie de l'attachement lui-même par le rejet et la désuétude.
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Tout ce que je puis lui suggérer est de pratiquer une forme de Karmayoga en se souvenant du Suprême dans toutes ses actions, des plus petites aux plus grandes, en les accomplissant avec un mental tranquille sans aucun sens de l'ego ni aucun attachement, et en les Lui offrant en sacrifice. Il peut aussi s'essayer ou aspirer à sentir la présence de la divine Shakti derrière le monde et ses forces, à distinguer entre la nature inférieure de l'Ignorance et la nature divine supérieure dont le caractère est un calme, une paix, un pouvoir, une Lumière et une Béatitude absolus, et aspirer à être soulevé et mené peu à peu de la nature inférieure à la nature supérieure.
S'il est capable de cet effort, il deviendra, au bout d'un certain temps, apte à se consacrer au Divin et à mener une vie tout à fait spirituelle.
Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre III.
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La voie qui, pour lui, semble naturelle est le Karmayoga et il a par conséquent raison d'essayer de vivre selon l'enseignement de la Guîtâ; car la Guîtâ est le grand guide sur ce chemin. Avant d'aborder cette voie, on s'y prépare en se purifiant des mouvements égoïstes et du désir personnel et en suivant fidèlement la meilleure lumière dont on dispose; dans la mesure où il a suivi ces préceptes, il était sur le bon chemin; on ne doit cependant pas considérer qu'il est égoïste de demander la force et la lumière dans l'action, car elles sont nécessaires au développement intérieur.
Il est clair qu'une sâdhanâ plus systématique et plus intensive est désirable; en tout cas, une aspiration soutenue et une attention plus constamment fixée sur le but central pourraient établir en lui un détachement stable, même au milieu des événements et des activités extérieures, ainsi qu'une direction intérieure constante. La perfection, la siddhi de cette voie de yoga — je parle du sentier particulier du karma ou action spirituelle — commence lorsqu'on est lumineusement conscient du Guide et de sa Direction et lorsqu'on sent travailler le Pouvoir dont on est soi-même un instrument et un collaborateur dans l'oeuvre divine.
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De la lettre qu'il vous a adressée je déduis qu'il a pratiqué une méthode très solide et qu'il a obtenu quelques bons résultats. Le premier pas dans un Karmayoga de ce genre est de faire décroître l'égocentrisme dans les œuvres, les réactions vitales inférieures et le principe du désir pour enfin s'en débarrasser. Il doit assurément continuer dans cette voie jusqu'à ce qu'il parvienne à quelque chose qui ressemble à son aboutissement. Je ne voudrais en aucune manière l'en détourner.
Ce que j'avais en vue, en parlant d'une sâdhanâ systématique, était l'adoption d'une méthode par laquelle se généraliserait toute l'attitude de la conscience et qui embrasserait tous ses mouvements à la fois, au lieu de travailler seulement sur des détails, bien que ce travail soit toujours nécessaire. Je pourrais donner comme exemple la méthode où le Pourousha se sépare de la Prakriti, devient l'Être conscient qui se tient en arrière, détaché de tous les mouvements de la Nature, et les observe comme un témoin, comme celui qui sait et enfin comme celui qui donne ou refuse la sanction; au stade supérieur du développement, il devient l'Îshwara, volonté pure, maîtrise de la Nature tout entière.
Par sâdhanâ intensive j'entendais un effort tendu vers l'une des grandes réalisations positives qui serait une base ferme pour tout le mouvement. Je note qu'il parle d'un vaste calme dont il a eu parfois un aperçu... Une descente de ce vaste calme qui l'établirait en permanence dans la conscience est l'une des réalisations auxquelles je pensais. Le fait qu'il sente ce calme à certains moments semble indiquer qu'il pourrait avoir la capacité de le recevoir et de le garder. Si tel était le cas ou s'il obtenait la réalisation de Pourousha-Prakriti, toute la sâdhanâ se poursuivrait sur une base forte et permanente dans une conscience nouvelle et tout entière yoguique, au lieu de procéder par un effort purement mental, toujours difficile et lent. Je ne veux cependant rien lui imposer: les choses viennent à leur heure et vouloir presser le pas prématurément ne hâte pas toujours leur venue. Qu'il poursuive sa tâche préliminaire de purification et de préparation.
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Si je ne vous ai pas écrit, c'est que je n'avais rien à ajouter à mes précédentes lettres. Je ne peux pas vous promettre qu'en un temps donné vous obtiendrez un résultat qui vous permettra soit d'aller dans le monde extérieur avec un esprit plus fort, soit de réussir dans le yoga. Pour le yoga, vous dites vous-même que vous ne pouvez pas encore y consacrer toutes vos pensées et sans cette entière consécration du mental, le succès n'est guère possible dans la sâdhanâ. Pour le reste, ce n'est guère la fonction de la sâdhanâ de préparer l'homme à la vie ordinaire dans le monde. Une seule chose pourrait vous orienter dans une direction qui vous aiderait à trouver quelque chose qui n'est pas une préparation à la vie ordinaire, mais qui n'est pas non plus le yoga tout entier pour lequel vous m'avez laissé entendre que vous n'êtes pas entièrement prêt. Ce serait d'acquérir l'esprit du yoga des œuvres tel qu'il est décrit dans la Guîtâ: oubliez-vous, vous-même et vos misères, dans l'aspiration à une conscience plus vaste, sentez la Force plus grande à l'oeuvre dans le monde et faites de vous-même un instrument pour un travail à faire, si petit soit-il. Mais quelle que soit la méthode, vous devez l'accepter tout entière et y mettre toute votre volonté; avec une volonté divisée et vacillante vous ne pouvez espérer réussir en rien: ni dans la vie, ni dans le yoga.
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On peut faire n'importe quel travail en le considérant comme un domaine d'application pour pratiquer l'esprit de la Guîtâ.
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Vous utilisiez la Force pour ce travail et elle vous a soutenu tant que vous avez choisi de vous y tenir. Ce qui est de première importance, ce n'est pas le caractère religieux ou non religieux du travail effectué, mais l'attitude intérieure dans laquelle il est fait. Si l'attitude est vitale et non psychique, alors on se projette dans le travail et on perd le contact intérieur. Si elle est psychique, le contact intérieur demeure, on sent la Force soutenir ou effectuer le travail et la sâdhanâ progresse.
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Certains ont exercé une profession juridique avec la Force de Mère à l'œuvre en eux et ils ont, grâce à ce travail, progressé dans la conscience intérieure. Un travail religieux peut au contraire être purement extérieur et vital dans sa nature ou son influence.
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Je dois dire cependant que je ne considère pas les affairess comme une activité mauvaise ou corrompue, pas plus que ce n'était le cas dans l'Inde spirituelle de l'antiquité. Si telle était mon attitude, je ne pourrais pas recevoir d'argent de X ni de ceux de nos disciples qui, à Bombay, commercent avec l'Afrique orientale; nous ne pourrions pas non plus les encourager à continuer leur travail: nous devrions au contraire leur dire de l'envoyer promener et de ne s'occuper que de leur seul progrès spirituel. Comment devons-nous réconcilier la quête de X pour la lumière spirituelle et son usine? Ne devrais-je pas lui dire de laisser là son usine, de l'envoyer au diable et d'aller méditer dans quelque Ashram? De même, si j'avais reçu l'ordre de faire des affaires comme j'ai reçu l'ordre de faire de la politique, je l'aurais fait sans le moindre scrupule spirituel ou moral. Tout dépend de l'esprit dans lequel une chose est faite, sur quels principes elle se fonde et l'usage qu'on en fait. J'ai fait de la politique, et de la politique révolutionnaire du genre le plus violent, ghoraṃ karma, j'ai soutenu une guerre et j'y ai envoyé des hommes, bien que la politique ne soit pas toujours ni même souvent une occupation très propre et que la guerre ne puisse pas être qualifiée de ligne d'action spirituelle. Mais Krishna somme Ardjouna de livrer une bataille de la plus terrible espèce et par cet exemple, il encourage les hommes à faire toutes sortes de travaux humains, sarvakarmāṇi. Soutiendrez-vous que Krishna était un homme non spirituel et que son conseil à Ardjouna était entaché d'erreur ou faux dans son principe? Krishna va même plus loin et déclare qu'un homme, en faisant de la manière juste et dans l'esprit juste le travail qui lui est dicté par le fond de sa nature, de son tempérament et de ses capacités, selon son dharma et celui du travail, peut se rapprocher du Divin. Il légitime la fonction du Vaïshya et son dharma autant que ceux du Brahmin ou du Kshatriya. Il est, selon lui, tout à fait possible qu'un homme fasse des affaires, gagne de l'argent et encaisse des bénéfices tout en étant un homme spirituel, en pratiquant le yoga et en ayant une vie intérieure. La Guîtâ justifie sans cesse les œuvres comme moyen de salut spirituel et préconise un Yoga des Œuvres autant que de la Bhakti et de la Connaissance. Krishna, cependant, y superpose aussi une loi plus haute selon laquelle le travail doit être accompli sans désir, sans attachement à aucun fruit ni récompense, sans aucune attitude ni aucun mobile égoïstes, comme une offrande ou un sacrifice au Divin. C'est l'attitude indienne traditionnelle à cet égard que tout travail est légitime s'il est fait selon le dharma et, s'il est accompli dans l'esprit juste, il n'empêche pas d'approcher le Divin ni d'accéder à la connaissance spirituelle et à la vie spirituelle.
Il y a aussi, bien sûr, l'idée d'ascèse dont peu de gens peuvent se passer et qui a sa place dans l'ordre spirituel. Pour ma part je dirais que nul ne peut être spirituellement complet s'il n'est pas capable de vivre une vie ascétique ou de mener une vie aussi nue que celle du plus nu des anachorètes. Il est évident que l'avidité pour la richesse et le besoin de gagner de l'argent doivent être absents de la nature autant que l'avidité pour la nourriture ou toute autre avidité, et la conscience doit renoncer à tout attachement de ce genre. Mais je ne considère pas qu'une vie ascétique soit indispensable à la perfection spirituelle ni identique à elle. Il y a aussi la voie de la maîtrise spirituelle de soi et la voie du don de soi spirituel, de l'offrande de soi au Divin, où sont abandonnés l'ego et le désir, même au cœur de l'action, au cœur de n'importe quelle sorte de travail ou de toutes les sortes de travaux qui sont exigés de nous par le Divin. S'il n'en était pas ainsi, de grands hommes spirituels comme, en Inde, Janaka ou Vidoura n'auraient pas existé et il n'y aurait même pas eu de Krishna, ou alors Krishna n'aurait pas été le Seigneur de Brindavan, Mathourâ et Dwarka, un prince et un guerrier, ni le conducteur du char de Kouroukshétra, mais seulement un grand anachorète de plus. Les Écritures et la tradition indiennes, dans le Mahâbhârata et ailleurs, font place à la fois à la spiritualité du renoncement à la vie et à la vie spirituelle de l'action. On ne peut pas dire que seule l'une des deux est la tradition indienne et que l'acceptation de la vie et des œuvres de toutes sortes, sarvakarmāṇi, est anti-indienne, européenne ou occidentale et anti-spirituelle.
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Tous les actes sont inclus dans l'action; le travail est une action réglée en vue d'un but précis, accomplie avec méthode et de façon suivie; le service est le travail accompli pour les fins de la Mère et sous sa direction.
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La recommandation adressée à X de ne pas vous emmener, mais de vous laisser réaliser le Divin d'abord n'a pas de sens. Doit-on réaliser le Divin avant de pouvoir Le servir? Le service du Divin n'est-il pas plutôt un pas vers Lui? Quoi qu'il en soit le service et la réalisation sont tous deux nécessaires pour que le yoga soit complet et on ne peut pas fixer une règle de préséance immuable entre les deux.
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1231
Votre but n'est pas seulement de pratiquer le yoga pour votre progrès intérieur et pour recevoir la protection, mais aussi de faire un travail pour le Divin.
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Le seul travail qui purifie spirituellement est celui que l'on fait sans motifs personnels, sans désirer la renommée ni la reconnaissance publique ni les honneurs de ce monde, sans mettre en avant ses propres mobiles mentaux, ses exigences ou ses convoitises vitales, ses préférences physiques, sans vanité, sans vouloir brutalement s'imposer ni chercher position ou prestige: un travail fait pour l'amour du seul Divin et sur l'ordre du Divin. Tout travail accompli dans un esprit égoïste, si bon soit-il pour les gens qui vivent dans le monde de l'Ignorance, n'est d'aucune utilité pour le chercheur du yoga.
Lumières sur le Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
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1233
L'efficacité spirituelle du travail dépend bien entendu de l'attitude intérieure. L'important, c'est l'esprit d'offrande que l'on apporte dans le travail. Si en plus, on peut se souvenir de la présence de la Mère durant le travail ou, par une certaine concentration, sentir la présence ou la force de la Mère soutenir le travail ou l'exécuter, l'efficacité spirituelle en est encore renforcée. Cependant même si, dans les moments d'obscurcissement, de dépression ou de lutte, on n'en est pas capable, il peut pourtant y avoir à l'arrière-plan un amour ou une bhakti qui était à l'origine la puissance motrice du travail, qui peut subsister derrière les nuages et réapparaître comme le soleil après une période sombre. Toute la sâdhanâ est ainsi; c'est pourquoi on ne devrait pas se laisser décourager par les périodes sombres, mais comprendre que l'impulsion originelle est toujours là et que par conséquent ces périodes sombres ne sont qu'un épisode du voyage qui conduira à un plus grand progrès lorsqu'elles seront passées.
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1234
Être dénué de tout mobile égoïste, soucieux de vérité en parole et en actes, dépourvu de volonté personnelle et de volonté de s'affirmer, vigilant en tout, telles sont les conditions pour être un serviteur sans défaut.
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1235
Tout effort pour acquérir le pouvoir, toute ambition, tout égoïsme dans l'exercice du pouvoir devraient être éliminés. On ne doit pas considérer le pouvoir ou les pouvoirs qui viennent comme siens, mais comme des dons du Divin en vue de l'accomplissement des desseins du Divin. Il faut éviter avec soin tout mauvais usage du pouvoir par ambition ou par égoïsme, tout orgueil, toute vanité, tout sentiment de supériorité, toute revendication, tout égoïsme de l'instrument; la nature ne doit être qu'un ensemble psychique simple et pur d'instruments adaptés, de toutes les manières, au service du Divin.
Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre III.
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1236
C'est l'esprit et la conscience à partir desquels elle est accomplie qui font qu'une action est yoguique, ce n'est pas l'action elle-même.
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La consécration de soi ne dépend pas du travail particulier que l'on fait, mais de l'esprit dans lequel est accompli ce travail, de quelque sorte qu'il soit. Tout travail est un moyen de consécration de soi par le karma, s'il est bien et soigneusement accompli comme un sacrifice au Divin, sans désir ni égoïsme, avec une égalité mentale, une calme tranquillité dans la bonne comme dans la mauvaise fortune, pour l'amour du Divin et non en vue d'un gain, d'une récompense ni d'un résultat personnels, et avec la conscience que c'est au Pouvoir divin qu'appartient tout travail.
Lumières sur le Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
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1238
L'idée de grandeur ou de petitesse est bien entendu tout à fait étrangère à la vérité spirituelle... Spirituellement rien n'est grand ni petit. Ces conceptions rappellent celles des hommes de lettres qui pensent qu'écrire un poème est un travail élevé et fabriquer des chaussures ou faire la cuisine est un travail petit et bas. Mais tout est égal au regard de l'Esprit et seul importe l'esprit intérieur dans lequel le travail est fait. Il en est de même d'une catégorie particulière de travail: rien n'est grand ni petit.
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1239
Je puis ajouter que dans la conscience vaste on peut s'occuper de petites choses autant que de grandes, mais on arrive à les traiter avec une vision plus large et aussi plus profonde, plus subtile et plus exacte qui émane d'une conscience de plus en plus perspicace et lumineuse, si bien que les pensées qui concernent les petites choses cessent d'être elles aussi petites ou banales, car elles participent de plus en plus d'une Connaissance supérieure.
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1240
Presque tous les artistes (il peut y avoir de rares exceptions) ont en eux quelque chose de l'homme public dans leurs parties physiques et vitales qui leur fait rechercher ardemment le stimulant d'un auditoire, les succès mondains, la satisfaction de la vanité, l'estime, la célébrité. Il faut absolument que tout cela disparaisse si vous voulez devenir un yogi: votre art doit être au service non de votre propre ego, ni de rien, ni de personne, mais au seul service du Divin.
Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre III.
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1241
Si vous désirez vous affranchir de ce que les gens attendent de vous et du sentiment d'être leur obligée, mieux vaut en effet ne pas recevoir de rémunération; car autrement vous aurez le sentiment de leur devoir quelque chose. Non que ce sentiment sera entièrement absent même si vous ne touchez rien, mais vous n'aurez plus aucune obligation.
Ce que vous m'écrivez sur le chant est tout à fait exact. C'est seulement quand vous vous oubliez vous-même et que vous laissez votre chant venir du dedans, sans penser à la nécessité d'exceller ni à l'impression qu'il peut faire, que vous chantez le mieux. La chanteuse extérieure doit en effet disparaître dans le passé; c'est seulement ainsi que la chanteuse intérieure pourra la remplacer.
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1242
En parlant de votre chant, je ne pensais pas à une création nouvelle du point de vue esthétique, mais à la transformation spirituelle; la forme qu'il prendra doit dépendre de ce que vous trouverez au-dedans quand la base profonde sera établie.
Je ne vois pour vous aucune raison d'abandonner complètement le chant; je voulais seulement dire — c'est la conclusion logique de ce que je vous ai écrit, non seulement cette fois-ci mais auparavant — que votre première considération doit être la transformation intérieure et que tout le reste doit venir de là. Si chanter en public vous fait sortir de l'état intérieur, alors vous pourriez cesser pour le moment et chanter pour vous-même et pour le Divin jusqu'à ce que vous soyez capable, même en présence d'un auditoire, d'oublier cet auditoire. Si vous êtes troublée par l'échec ou exaltée par le succès, cela aussi vous devez le surmonter.
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1243
La question n'est pas de faire ce que vous détestez, mais de cesser de détester. Ne faire que ce que vous aimez, c'est vous laisser aller au vital et entretenir sa domination sur la nature; car le principe même de la nature non transformée est d'être gouvernée par ses goûts et ses dégoûts. Être capable de faire n'importe quoi avec équanimité est le principe du Karmayoga et le faire avec joie parce qu'on le fait pour la Mère est la vraie condition psychique et vitale dans notre yoga.
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1244
On doit être capable de faire toujours le même travail avec enthousiasme, tout en étant prêt à faire autre chose ou à élargir son champ d'action d'un instant à l'autre.
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1245
Oui, cela dépend d'une certaine extension et d'une certaine intensification de la conscience par laquelle toute activité devient intéressante non pour elle-même, mais en raison de la conscience qu'on y apporte; par l'intensité de l'énergie, on prend plaisir aussi à exercer cette énergie et à accomplir parfaitement le travail, quel qu'il soit.
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1246
En règle générale — je veux dire lorsqu'elles ne sont pas transformées — les parties inférieures participent au travail avec intérêt et enthousiasme quand l'ego se mêle à l'intérêt. Mais l'enthousiasme pur peut venir en elles à mesure qu'elles se convertissent et se purifient; alors elles deviennent des forces tout à fait indispensables à la réalisation.
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1247
Il est naturel que le vital ou même le mental se sente dynamisé par une activité nouvelle, mais dans le plan physique un travail sans cesse répété est la base; on doit donc être capable d'y trouver toujours ne serait-ce qu'un intérêt calme et soutenu. Mais dans ce cas je pense que c'est une force particulière que la Mère vous a envoyée quand elle vous a vu là.
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1248
Une partie du physique ne peut se passer du travail, une autre partie (plus matérielle) y voit une vexation. Ce qui donne la force et la joie dans le travail n'est cependant pas physique, mais vital.
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1249
Si ces deux humeurs différentes aboutissent dans le travail à des résultats différents, c'est que la première correspond à une joie vitale alors que la seconde se fonde sur une tranquillité psychique. La joie vitale, bien qu'elle soit très salutaire dans la vie humaine ordinaire, est quelque chose d'excité, d'avide, de versatile qui n'a aucune base stable; c'est pourquoi elle se lasse vite et ne peut durer. La joie vitale doit être remplacée par un contentement psychique tranquille et stable qui s'accompagne d'un mental et d'un vital très clairs et très paisibles. Quand on travaille sur cette base, tout devient joyeux et facile, en contact avec la force de Mère, et la fatigue ou la dépression n'apparaissent pas.
1250
Avant que les choses ne soient tout à fait pucca dans la conscience, le fait de travailler entraîne en effet la conscience au-dehors, à moins que l'on ne se soit fait une sâdhanâ de sentir la "Force plus grande que soi" travailler à travers soi. C'est, je suppose, la raison pour laquelle les Shankariens considéraient que le travail est, par sa nature même, une opération de l'Ignorance et qu'il est incompatible avec un état de réalisation. Mais en fait il y a trois étapes: (I) où le travail vous porte dans une conscience inférieure autant qu'extérieure, de sorte que vous devez ensuite recouvrer la réalisation; (II) où le travail vous extériorise, mais la réalisation reste à l'arrière-plan (ou au-dessus); vous ne la percevez pas pendant que vous travaillez, mais aussitôt que le travail cesse vous la retrouvez là, comme avant; (III) où le travail ne fait aucune différence, car la réalisation ou l'état spirituel persiste tout au long du travail. Vous semblez cette fois-ci avoir eu l'expérience de (II).
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1251
[Ce passage] concerne une certaine étape où la conscience est tantôt en activité et tantôt, quand elle n'est pas active, retirée en elle-même. Au stade suivant l'état du Satchidânanda est présent aussi dans le travail. A une étape encore ultérieure, les deux états ne font pour ainsi dire qu'un seul, mais c'est le supramental. Ces deux états sont le Brahman silencieux et le Brahman actif et ils peuvent alterner (premier stade), coexister (deuxième stade), fusionner (troisième stade)...
Assurément elle [la réalisation du Satchidânanda suprême] est possible dans le travail. Grand Dieu! comment le yoga intégral pourrait-il exister si elle ne l'était pas?
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1252
Ce passage décrit un état de conscience où l'on est éloigné de toutes choses même lorsqu'on y est plongé, où tout est ressenti comme une irréalité, une illusion. Il n'y a alors ni préférence ni désir parce que les choses sont trop irréelles pour que l'on puisse les désirer ou préférer l'une à l'autre. Mais en même temps, on ne ressent nullement la nécessité de fuir le monde ou de n'accomplir aucune action parce qu'étant libéré de l'illusion, agir ou vivre dans le monde ne pèse pas; on n'est pas lié, on n'est pas en cause. Ceux qui fuient le monde ou évitent l'action (les sannyâsî) agissent ainsi parce qu'ils s'y laisseraient prendre ou lier; ils croient que le monde est irréel, mais en fait ce monde pèse sur eux comme une réalité tant qu'ils y restent. Quand on est parfaitement libéré de l'illusion de la réalité des choses, elles ne peuvent plus peser ni lier du tout.
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1253
Agir? Pourquoi voudrait-il agir, puisqu'il est dans la paix éternelle, dans l'Ânanda ou en union avec le Divin? Si un homme vit dans l'Esprit et qu'il a dépassé le vital et le mental, il n'a pas besoin d'être tout le temps en train de "faire" quelque chose. Le moi ou esprit a la joie d'exister. Il est libre de tout faire, mais pas parce qu'il est lié à l'action et incapable d'exister sans elle.
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1254
Mais le Jîvanmoukta ne ressent aucune servitude. Dans toute œuvre, dans toute action il se sent parfaitement libre parce que le travail n'est pas fait par lui personnellement (il n'a pas le sens de l'ego limité), mais par la Force cosmique. Les limitations du travail sont celles que fixe la Force cosmique elle-même à sa propre action. Le Jîvanmoukta vit dans la communion de l'unité avec le Transcendant qui est au-dessus du cosmos et ne sent aucune limitation. Du moins est-ce ainsi qu'on le ressent dans le surmental.
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1255
Puisque l'ego et le désir sont distincts des gouna, il peut y avoir une action des gouna sans ego ni désir et par conséquent sans attachement. Telle est la nature de l'action de ces gouna chez le yogi détaché et libéré. Si c'était impossible, alors il serait absurde de parler de yogis détachés, car un attachement subsisterait encore dans une partie de leur être. Dire qu'ils sont détachés dans le Pourousha, mais attachés dans la Prakriti, et que par conséquent ils sont détachés, c'est énoncer une absurdité. L'attachement est l'attachement, en quelque partie de l'être qu'il réside. Pour être détaché, il faut être détaché partout: dans l'action mentale, vitale et physique et pas seulement dans l'âme silencieuse quelque part au-dedans.
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1256
Dans l'état de libération, ce n'est pas le seul Pourousha intérieur qui reste détaché: le Pourousha intérieur est toujours détaché, seulement dans l'état ordinaire, on n'en est pas conscient. Dans l'état de libération, la Prakriti non plus n'est pas troublée par l'action des gouna et n'y est pas attachée: la Prakriti, quelle qu'elle soit (mentale, vitale, physique) commence à acquérir la même tranquillité, la même paix imperturbable et le même détachement que le Pourousha, mais c'est une tranquillité, non une cessation de toute action. C'est la tranquillité dans l'action elle-même. S'il n'en était pas ainsi, ce que je dis dans l'Ârya — qu'il peut y avoir une action libérée ou sans désir sur laquelle je fonde la possibilité d'une action libre (mukta) action would be false. The whole being, Purusha-Prakriti, becomes detached (having no desire or attachment) even in the action of the gunas.
L'être extérieur aussi est détaché: tout l'être est sans désir ni attachement et pourtant l'action est possible. L'action sans désir est possible, l'action sans attachement est possible, l'action sans ego est possible.
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1257
Vous semblez croire que l'action et la Prakriti sont la même chose et que quand il n'y a pas d'action, il ne peut pas y avoir de Prakriti! Le Pourousha et la Prakriti sont des pouvoirs séparés dans l'être. Ce n'est pas Pourousha= tranquillité et Prakriti=action, de sorte que lorsque tout est tranquille il n'y a pas de Prakriti, et lorsque tout est actif il n'y a pas de Pourousha. Quand tout est actif, le Pourousha est toujours là, derrière la Nature active, et quand tout est tranquille, la Prakriti est toujours là, mais c'est une Prakriti au repos.
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1258
Prakriti est la Force qui agit. Une Force peut être en action ou au repos; quand elle est au repos elle est autant une Force que quand elle agit. Les gouna sont une action de la Force, elles sont dans la Force même. La mer est là et les vagues sont là, mais les vagues ne sont pas la mer, et quand il n'y a pas de vagues, quand la mer est calme, elle ne cesse pas d'être la mer.
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1259
[Dans l'action libérée] le sattwa prédomine, le radjas agit comme une énergie cinétique sous le contrôle de sattwa jusqu'à ce que le tamas impose la nécessité d'un repos. C'est ce qui se produit en général. Cependant, même quand le tamas prédomine et que l'action est réduite, ou même quand le radjas prédomine et que l'action est excessive, ni le Pourousha ni la Prakriti n'en sont troublés: il règne dans tout l'être un calme fondamental et l'action n'est rien de plus qu'une ondulation ou un tourbillon à la surface.
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1260
C'est plus difficile pour la Prakriti [que pour le Pourousha de se séparer de l'action de surface] puisque son activité ordinaire est celle de l'être de surface. Elle doit se diviser en deux pour s'en séparer. Le Pourousha, au contraire, est par nature silencieux et séparé; il n'a donc qu'à revenir à sa nature d'origine.
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1261
Quand la Prakriti est libérée, elle se divise en deux parties: une Force intérieure qui est libérée de sa propre action (libérée de radjas, de tamas, etc.), et la Prakriti extérieure qu'elle utilise et transforme.
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1262
Si la conscience et l'énergie étaient la même chose, il serait inutile d'avoir deux mots différents pour les désigner. Dans ce cas, au lieu de "je suis conscient de mes défauts", on pourrait dire: "je suis énergique de mes défauts". Si un coureur est rapide, vous pouvez dire de lui: "il court avec une grande énergie". Croyez-vous que cela signifierait la même chose si vous disiez: "il court avec une grande conscience"? La conscience est ce qui perçoit les choses, l'énergie est une force qui, mise en action, fait les choses. La conscience peut avoir de l'énergie et la garder ou l'émettre, mais cela ne signifie pas que conscience soit seulement synonyme d'énergie, que la conscience doive sortir quand l'énergie sort, qu'elle ne puisse pas se tenir en arrière et observer l'énergie en action. Vous êtes plein d'inertie; cela ne veut pourtant pas dire que l'inertie et vous, c'est la même chose, et que lorsque l'inertie émerge et vous emporte, ce soit vous qui émergiez et vous emportiez vous-même.
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1263
Le mental et l'être intérieur sont certes une conscience. Pour les êtres humains qui ne sont pas entrés profondément en eux-mêmes, mental et conscience sont synonymes. Seulement quand on commence à avoir une meilleure perception de soi-même grâce à la conscience qui grandit, on peut distinguer différents degrés, différentes sortes, différents pouvoirs de la conscience: mental, vital, physique, psychique, spirituel. Le Divin a été décrit comme Existence, Conscience, Ânanda, autant que comme une Conscience (Chaïtanya) qui émet une force ou énergie, la Shakti qui crée le monde. Le mental est une conscience modifiée qui émet une énergie mentale. Mais le Divin peut se tenir derrière cette énergie et l'observer à l'œuvre, il peut être le Pourousha Témoin qui surveille les œuvres de Prakriti. Même le mental peut le faire; un homme peut se tenir à l'arrière-plan de sa conscience mentale et observer l'énergie mentale qui agit, pense, fait des projets, etc.; l'introspection est tout entière fondée sur cette faculté de se diviser soi-même ainsi en une conscience qui observe et une énergie qui agit. Ce sont là des choses élémentaires qui sont censées être connues de tout le monde. N'importe qui en est capable avec tant soit peu de pratique; quiconque observe ses propres pensées, ses sentiments, ses actes, etc., a déjà commencé à le faire. Dans le yoga, nous allons jusqu'à la division complète, c'est tout.
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1264
Elle [la conscience) n'est pas, par nature, détachée des activités mentales et autres. Elle peut en être détachée comme elle peut s'y absorber. Dans la conscience humaine, en règle générale, elle y demeure absorbée; mais elle a élabore le pouvoir de s'en détacher, ce dont la création inférieure semble incapable. À mesure que la conscience se développe, ce pouvoir de détachement se développe aussi.
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1265
Non, sans sâdhanâ le but du yoga ne peut être atteint. Le travail lui-même doit être considéré comme une partie de la sâdhanâ. Mais quand vous travaillez, vous devez naturellement penser au travail et vous apprendrez à le faire à partir de la conscience yoguique, comme un instrument du Divin et en vous souvenant de Lui.
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1266
C'est parce que l'énergie est projetée dans le travail. Mais à mesure que la paix et le contact grandissent, une double conscience peut se développer: une partie est occupée par le travail, l'autre se tient en arrière, silencieuse, observant la première ou tournée vers le Divin; dans cette double conscience, l'aspiration peut se maintenir même pendant que la conscience extérieure est dirigée vers le travail.
Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre IV.
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1267
On peut à la fois aspirer, être attentif au travail et faire bien d'autres choses en même temps quand la conscience a été développée par le yoga.
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1268
Non, c'est seulement si c'était une absorption intérieure que ce serait un obstacle. Mais ce que je veux dire, c'est une sorte de pas en arrière dans quelque chose de silencieux au-dedans qui observe sans être engagé dans l'action, mais cependant la voit et peut y projeter sa lumière. Il y a alors deux parties dans l'être: l'une au-dedans qui regarde, qui observe et qui sait, l'autre qui exécute, sert d'instrument et agit. Le résultat est non seulement la liberté mais aussi le pouvoir et, dans cet être intérieur, on peut entrer en contact avec le Divin par l'intermédiaire non de l'activité mentale, mais de la substance même de l'être, par un certain contact intérieur, une perception, une réceptivité, et aussi en recevant l'inspiration ou l'intuition juste pour exécuter le travail.
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1269
Si l'on sent une conscience qui n'est pas limitée par le travail, une conscience à l'arrière-plan qui soutient celle qui travaille, alors c'est plus facile. Cet état vient d'ordinaire soit par l'immensité et le silence lorsqu'ils s'établissent et s'étendent, soit par la conscience d'une Force qui n'est pas sienne et travaille elle-même par l'intermédiaire du travailleur.
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1270
Mère ne désapprouve pas que vous écriviez un livre; ce qu'elle n'aime pas, c'est que vous soyez si absorbé dans ce travail que vous ne puissiez rien faire d'autre. Vous devez être maître de ce que vous faites et non en être possédé. Elle est tout à fait d'accord, si c'est possible, pour que vous finissiez votre livre et que vous nous l'offriez pour votre anniversaire. Mais vous ne devez pas vous laisser entraîner; vous devez rester pleinement en contact avec des choses plus élevées.
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1271
Je vous répète que nous n'avons pas d'objection à ce que vous écriviez, qu'il s'agisse de poèmes, de nouvelles ou de romans. Nous avions l'impression que cette activité vous absorbait et vous possédait tout entier, ce qui n'était pas bon pour votre état spirituel, et qu'une activité mineure se plaçait ainsi au premier plan de la conscience au point de l'occuper tout entier la plupart du temps, au lieu de trouver sa vraie place dans une harmonie spirituelle équilibrée.
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1272
Vous pouvez essayer [d'écrire un roman] si vous voulez. La difficulté est que les sujets de romans appartiennent surtout à la conscience extérieure, de sorte qu'un abaissement ou une extériorisation de la conscience peut facilement se produire. À quoi s'ajoute la difficulté de conserver l'équilibre intérieur en appliquant le mental à un travail extérieur. Si vous pouviez acquérir un équilibre intérieur stable, alors il serait possible de faire n'importe quel travail sans troubler ni abaisser la conscience.
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1273
Cela dépend de la plasticité de la conscience. Certains sont ainsi, ils s'absorbent [dans le travail] à tel point qu'ils ne veulent pas en sortir ni faire quoi que ce soit d'autre. Il faut conserver un certain équilibre grâce auquel la conscience de base demeure capable de passer avec aisance d'une concentration à une autre.
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1274
Il n'est pas indésirable d'être absorbé dans son travail; la difficulté que l'on éprouve à se tourner vers l'intérieur ne peut être que temporaire. Une certaine plasticité de la conscience physique viendra à coup sûr, qui rend plus facile de passer d'une concentration à une autre.
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1275
La résistance dont vous parlez, de même que la réceptivité insuffisante et l'incapacité à rester en communion pendant le travail, doivent être dues au fait qu'une certaine partie de la conscience physique reste encore fermée à la Lumière, probablement quelque chose dans le subconscient physico-vital et matériel qui empêche l'ensemble du mental physique d'être libre et prêt à répondre.
Il n'est pas mauvais de faire en sorte que l'aspiration des parties inférieures s'élève à la rencontre du pouvoir d'en haut. Le tout est de veiller à ce que la difficulté d'en bas ne s'élève pas avant que le pouvoir qui descend soit prêt à l'éliminer.
Il n'est pas nécessaire que vous perdiez conscience lorsque vous méditez. L'essentiel, c'est l'élargissement et le changement de la conscience. Si par là vous voulez dire aller au-dedans, vous pouvez le faire sans perdre conscience.
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1276
C'est une certaine inertie de la conscience physique qui l'enferme dans les ornières de ce qu'elle fait, de sorte que son attention est fixée là-dessus et qu'elle n'est pas libre de se souvenir.
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1277
Toutes les difficultés que vous décrivez sont très naturelles et communes à la plupart des gens. Il est relativement facile de se souvenir et d'être conscient quand on est assis tranquille en méditation; c'est difficile quand on doit s'occuper d'un travail. Le souvenir et la conscience dans le travail doivent venir par degrés, vous ne devez pas vous attendre à tout avoir à la fois; personne ne peut tout acquérir à la fois. Cet état vient de deux manières: d'abord on s'exerce à se souvenir de la Mère et à lui offrir le travail chaque fois que l'on fait quelque chose (pas durant tout le temps qu'on le fait, mais au début et chaque fois que l'on peut se souvenir): alors peu à peu cette attitude devient facile et habituelle à la nature. En second lieu, par la méditation, une conscience intérieure commence à se développer qui, après quelque temps — pas immédiatement ni d'un coup — devient de plus en plus automatiquement permanente. On la sent comme une conscience séparée de celle, extérieure, qui travaille. Au début on ne sent pas cette conscience séparée pendant qu'on travaille, mais dès que le travail cesse on sent qu'elle était là tout le temps et regardait à l'arrière-plan; ensuite on commence à la sentir pendant le travail même, comme s'il y avait deux parties en soi: l'une qui surveille et soutient par-derrière, se souvient de la Mère et lui offre le travail, l'autre qui l'exécute. Quand on en est arrivé là, travailler avec la vraie conscience devient de plus en plus facile.
Il en est de même de tout le reste. C'est par le développement de la conscience intérieure que toutes les choses dont vous parlez seront rectifiées. Par exemple une partie de l'être a l'utsāha pour le travail, tandis que l'autre sent la pression de la tranquillité et est moins disposée à travailler. Votre humeur dépend de la partie qui émerge à un moment donné; il en est ainsi pour tout le monde. Combiner les deux tendances est difficile, mais à partir d'un certain moment elles se réconcilient: une partie de l'être reste stable dans une concentration intérieure tandis que l'autre est soutenue par elle dans son élan vers le travail. La transformation de la nature et l'harmonisation de tous ces éléments discordants dans l'être constituent le travail de la sâdhanâ. Par conséquent vous n'avez pas lieu d'être découragé quand vous constatez qu'ils existent en vous. Peu de sâdhak ne les ont pas rencontrés en eux. Tout cela peut s'arranger par l'action de la Force intérieure, avec l'assentiment et l'appel constants du sâdhak. Par lui-même il n'en est peut-être pas capable, mais si la Force divine travaille en lui tout peut être fait.
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1278
Il est un peu difficile au début de concilier l'état où l'on est tourné vers l'intérieur avec l'attention que l'on porte au travail extérieur et à la compagnie des autres; à un certain moment cependant, l'être intérieur devient capable de rester en pleine union avec la Mère, tandis que l'action émane de cette union concentrée; cette action est alors guidée avec tant d'aisance jusque dans les détails qu'une certaine partie de la conscience peut s'occuper de tout ce qui est extérieur et même se concentrer dessus tout en ressentant la concentration intérieure sur la Mère.
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1279
C'est un très bon signe que même en plein travail le fonctionnement intérieur ait été perçu à F arrière-plan et ait réussi à établir le silence. À la longue la conscience et l'expérience plus profonde finissent par se poursuivre dans le sâdhak même lorsqu'il est en plein travail ou qu'il dort, quand il parle ou dans n'importe quelle activité.
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1280
Il n'est pas facile au début de se rappeler la présence pendant le travail, mais si l'on ravive le sens de la présence aussitôt après avoir fini, c'est très bien. En temps opportun le sens de la présence deviendra automatique même pendant le travail.
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1281
Il n'est ni nécessaire ni inévitable d'être malheureux dans la sâdhanâ: si vous l'êtes, c'est parce que votre nature intérieure sent que le contact de la Présence divine lui est indispensable et qu'elle est mal à l'aise quand elle ne la perçoit pas; pour la sentir tout le temps, il faut un certain détachement intérieur constant qui vous permette de rester au-dedans et de tout faire du dedans. On l'obtient plus facilement dans des occupations et des contacts tranquilles. Car c'est par la tranquillité et l'intériorisation que l'on devient capable de percevoir la Présence.
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1282
Vous devez apprendre à agir toujours à partir du dedans, de votre être intérieur qui est en contact avec le Divin. L'être extérieur devrait être un simple instrument et vous ne devriez jamais lui permettre de commander ou de dicter vos paroles, vos pensées ou vos actes.
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1283
Tout devrait être fait tranquillement du dedans: travailler, parler, lire, écrire, comme faisant partie de la vraie conscience, non dans le mouvement dispersé et agité de la conscience ordinaire.
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1284
On peut travailler tout en demeurant tranquille au-dedans. La tranquillité ne consiste pas à avoir un mental vide ou à ne rien faire.
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1285
Sentir la pression du Pouvoir est très bien, mais à vrai dire le silence intérieur n'est nullement incompatible avec l'action. C'est vers la combinaison des deux que la sâdhanâ doit avancer.
1286
Pour connaître la Volonté divine, il faut avoir un mental tranquille. Dans le mental tranquille tourné vers le Divin vient l'intuition (mental supérieur) de la Volonté du Divin et de la manière juste de l'accomplir.
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1287
Quand le mental est pur et que le psychique prédomine, on sent ce qui s'accorde à la Volonté divine et ce qui lui est contraire.
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1288
Lorsqu'on a atteint le silence mental, une vision et une intuition concernant le travail peuvent remplacer dans ce silence les pensées mentales.
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1289
Il est bon que vous ayez été capable de vous observer tout le temps et de voir les mouvements, et que l'intervention de la nouvelle conscience ait été fréquente et automatique. À un stade ultérieur, nul doute que vous recevrez également dans le mental des indications sur la manière de faire les choses que vous voulez voir s'accomplir. Il est évident que votre mental était trop actif — et le mental des autres aussi — et pour cette raison vous n'avez pas atteint votre objectif: les témoins étaient trop nombreux! Quoi qu'il en soit...
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1290
Pour que les actions soient psychiques, il faut que le psychique soit au premier plan. Le Pourousha qui observe peut se séparer de la Prakriti, il ne peut pas la transformer. Mais le premier pas, c'est de devenir le Pourousha qui observe. Ensuite la Volonté du Pourousha, instrument de la force de la Mère, doit agir. Cette Volonté doit être fondée sur une conscience juste qui voit ce qui est erroné, ignorant, égoïste, égocentrique, mû par le désir dans la nature, et qui le rectifie.
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1291
Si vous tenez beaucoup à obtenir la conscience nécessaire aux actions vraies et que vous y aspirez, elle pourra venir de l'une des manières suivantes::
1. Vous pouvez acquérir l'habitude ou la faculté d'observer vos mouvements de manière à voir venir l'impulsion qui vous pousse à agir et à voir aussi quelle est la nature de cette impulsion.
2. Une conscience peut apparaître, qui ressent un malaise chaque fois qu'une pensée erronée, une impulsion erronée à l'action ou un sentiment erroné se présente.
3. Quelque chose en vous peut vous avertir et vous arrêter quand vous êtes sur le point de vous tromper dans votre action.
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1292
[Pour être constamment gouverné par le Divin:] La première chose à faire est d'y aspirer constamment; ensuite il faut acquérir une sorte d'immobilité intérieure et se retirer de l'action extérieure dans cette immobilité; il faut acquérir aussi une sorte d'attitude attentive à l'écoute non d'un son, mais de la perception ou de la direction spirituelle de la conscience qui vient par l'intermédiaire du psychique.
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1293
La faculté de sentir ce qui vient du dedans dépend de la facultéé de s'intérioriser. Tantôt cette perception vient d'elle-même à mesure que la conscience s'approfondit par la bhakti ou de toute autre manière, tantôt elle vient par la pratique, par une sorte d'habitude d'en référer au-dedans et d'écouter venir la réponse; écouter est évidemment une métaphore, mais il est difficile de l'exprimer autrement: cela ne signifie pas que la réponse vienne nécessairement sous forme de mots, articulés ou non, bien qu'il en soit parfois ainsi ou chez certains sâdhak; elle peut prendre n'importe quelle forme. La principale difficulté, pour beaucoup, est d'avoir la certitude que la réponse est juste. Pour s'en assurer il faut être capable d'établir un contact intérieur avec le Gourou; le meilleur moyen est la bhakti. Sinon, tenter de recevoir du dedans ce sentiment par la pratique risque de devenir un exercice délicat. Obstacles: (1) habitude normale de se fier en tout aux moyens extérieurs; (2) ego qui substitue ses suggestions à la réponse juste; (3) activité mentale; (4) intrusions importunes. Je pense que vous ne devez pas rechercher cette perception avec une ardeur excessive, mais plutôt vous fier à la croissance de la conscience intérieure. Ce que je viens d'en dire n'est qu'une manière d'explication générale.
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1294
L'ouverture dans le travail signifie la même chose que l'ouverture dans la conscience. La même Force qui travaille dans —votre conscience pendant la méditation et qui dissipe les nuages et la confusion toutes les fois que vous vous ouvrez à elle peut aussi se charger de vos activités; et non seulement elle peut vous faire percevoir les défauts de vos actions, mais elle peut vous rendre conscient de ce qu'il faut faire et guider votre mental et vos mains pour l'accomplir. Si vous vous ouvrez à elle dans votre travail, vous commencerez à sentir de plus en plus sa direction, jusqu'à ce que derrière toutes vos activités, vous perceviez la Force de la Mère.
Lumières sur le Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
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1295
Pour être capable de recevoir le Pouvoir divin et de le laisser agir à travers vous sur la vie extérieure, trois conditions sont nécessaires:
1. Le calme, l'égalité: ne pas vous laisser troubler, quoi qu'il arrive, garder un mental immobile et ferme qui observe le jeu des forces, mais reste lui-même tranquille.
2. Une foi absolue: la foi que c'est le meilleur qui arrivera, mais aussi que si vous pouvez devenir un vrai instrument, le fruit sera celui que votre volonté, guidée par la Lumière divine, voit comme la chose qui doit être, kartavyaṃ karma.
3. La réceptivité: la capacité de recevoir la Force divine et de sentir sa présence et la présence de la Mère en elle, et de la laisser faire son œuvre en guidant votre vision, votre volonté et votre action. Si ce pouvoir et cette présence peuvent être perçus et que cette plasticité devienne l'habitude de la conscience en action — mais une plasticité à la seule Force divine, sans admettre aucun élément étranger — le résultat final est sûr.
Les Bases du Yoga, chapitre I. Traduction de la Mère.
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1296
Ce qui vous est arrivé montre les conditions de l'état où le Pouvoir divin prend la place de l'ego et dirige l'action, faisant du mental, de la vie et du corps son instrument. Un silence réceptif du mental, un effacement de l'ego mental, la réduction de l'être mental à la position de témoin, un contact intime avec le Pouvoir divin et une ouverture de l'être à cette unique Influence et à nulle autre, telles sont les conditions requises pour devenir un instrument du Divin, mû par lui et par lui seul.
Le silence mental ne suffit pas en soi à amener la conscience supramentale; il y a beaucoup d'états, de plans ou de niveaux de conscience entre le mental humain et le Supramental. Le silence ouvre le mental et le reste de l'être à des choses plus grandes, quelquefois à une conscience plus haute que celle du mental humain; le silence mental est la condition la plus favorable pour que se produise l'une quelconque de ces expériences. Dans notre yoga, c'est la meilleure condition (mais ce n'est pas la seule) pour que le Pouvoir divin descende, d'abord sur la conscience individuelle, puis en elle, et travaille à transformer cette conscience en lui donnant les expériences nécessaires, en changeant sa façon de voir et tous ses mouvements, et en la conduisant d'étape en étape jusqu'à ce qu'elle soit prête à la dernière transformation, supramentale.
Les Bases du Yoga, chapitre I. Traduction de la Mère.
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1297
Ce qui vous est arrivé est fréquent et, d'après votre récit, l'expérience s'est déroulée selon les étapes habituelles. D'abord vous vous êtes assis et mis en prière, c'est-à-dire que vous avez fait appel à ce qui est Au-Dessus, si je puis m'exprimer ainsi. Puis vint l'état qui doit s'établir pour que la réponse à la prière produise ses effets: "petit à petit, une sorte d'état de repos est venu": en d'autres termes, la tranquillité de la conscience nécessaire avant que le Pouvoir qui doit agir puisse le faire. Ensuite la ruée de la Force ou Pouvoir, "un flot d'énergie, un sentiment de pouvoir et de luminosité" et la concentration naturelle de l'être dans l'inspiration et l'expression, l'action du Pouvoir.
Le vital est l'instrument d'exécution sur le plan physique; son action et son énergie sont donc nécessaires pour tout travail: sans lui, si le mental ne fait que pousser à l'action sans la coopération et les instruments du vital, le labeur et l'effort sont pénibles et déplaisants et donnent des résultats qui généralement ne sont en rien de la meilleure qualité. L'idéal, pour travailler, est une concentration naturelle de la conscience dans l'énergie particulière au travail, soutenue par une tranquillité, un repos pleins d'aisance dans la conscience tout entière. La distraction du mental par d'autres activités trouble cet équilibre d'aisance et d'énergie concentrée; la fatigue aussi le trouble ou l'anéantit. Par conséquent la première chose à faire est de rétablir cette assise de repos et d'ordinaire, on le fait en cessant de travailler et en se reposant. Dans votre expérience, cette interruption du travail a été remplacée par un repos qui est venu d'au-dessus parce que vous étiez en prière et par une énergie venue elle aussi d'en haut. Le principe est le même que dans la sâdhanâ: c'est la raison pour laquelle nous voulons que les sâdhak calment leur conscience, afin que la paix supérieure et, sur la base de cette paix, une Force nouvelle venue d'en haut puissent entrer en eux.
Ce n'est pas l'effort qui a fait venir l'inspiration. L'inspiration descend en réponse à un état de concentration qui est en lui-même un appel. L'effort, au contraire, fatigue la conscience et par conséquent ne se prête pas à un travail de la meilleure qualité; la seule chose qui peut parfois se produire — mais qui n'est nullement constante — est que l'effort finisse par tirer une inspiration qui elle-même engendre une certaine réponse; cependant cette inspiration n'est en général ni aussi bonne, ni aussi efficace que celle que l'on reçoit lorsque l'énergie se concentre avec aisance et intensité dans son travail. L'effort et la dépense d'énergie ne sont pas forcément la même chose: la meilleure dépense d'énergie est celle qui coule facilement, sans aucun effort; quand l'inspiration ou la Force (n'importe quelle Force) agit d'elle-même, quand le mental, le vital et même le corps sont des instruments enthousiastes, quand la Force s'écoule dans une action intense et heureuse, c'est presque un labeur sans labeur.
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1298
Il est vrai que la Force peut agir avec efficacité sans qu'il y ait de votre part aucun effort. Pour travailler elle a besoin non pas de l'effort de l'être, mais de son assentiment.
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1299
C'est bien ce que se propose le yoga: par une juste passivité on s'ouvre à quelque chose de plus grand que son propre moi limité et l'effort n'est utile que pour accéder à cet état. Même dans la vie ordinaire l'individu n'est qu'un instrument entre les mains de l'Énergie universelle, bien que son ego s'approprie le mérite de tout ce qu'il fait.
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1300
Puisque vous êtes ouvert à la Force et que vous vous êtes transformé en un canal pour l'énergie de ce travail, il est tout à fait naturel que lorsque vous voulez le faire, la Force coule et agisse de la manière voulue ou nécessaire et fasse en sorte que l'effet désiré soit obtenu. Quand on s'est soi-même transformé en un canal pour la Force, elle n'est pas obligatoirement liée par les limitations ou les incapacités de l'instrument; elle peut ne pas en tenir compte et agir par son propre pouvoir. Dans ces conditions elle peut utiliser l'instrument humain comme un simple intermédiaire et sitôt que le travail est terminé, le laisser tel qu'il était avant, incapable dans ses moments ordinaires de travailler aussi bien; mais elle peut aussi, par son action, améliorer l'instrument, l'accoutumer à la connaissance intuitive et au mouvement intuitif nécessaires, de sorte qu'il peut à volonté commander l'action de la Force. En matière de technique, il faut distinguer deux choses: la connaissance intellectuelle que l'on applique et la cognition intuitive qui agit de son propre chef même si, en réalité, le travailleur ne la possède pas. De nombreux poètes, par exemple, ont peu de connaissances techniques en métrique ou en linguistique et sont incapables d'expliquer comment ils écrivent et quelles qualités, quels éléments sont à l'origine de leur réussite, mais leurs œuvres n'en sont pas moins parfaites par le rythme et la langue. La connaissance intellectuelle de la technique est bien entendu une aide, pourvu que l'on n'en fasse pas un simple mécanisme ou une entrave rigide. Dans certains arts on ne peut exceller sans connaissances techniques: la sculpture, la peinture par exemple.
Ce que vous écrivez vous appartient dans le sens où vous avez été l'instrument de sa manifestation; il en est ainsi de tous les artistes ou de tous les travailleurs, bien que pour la sâdhanâ il soit évidemment nécessaire de reconnaître que le vrai Pouvoir n'était pas vous-même et que vous n'avez été que l'instrument sur lequel il jouait sa musique.
L'Ânanda de la création n'est pas le plaisir que prend l'ego à avoir personnellement bien travaillé et à être quelqu'un d'important; c'est tout autre chose qui s'attache à la joie du travail et de la création. L'Ânanda vient de l'irruption d'un Pouvoir plus grand, du vibrant émoi, āveśa, d'être possédé et utilisé par lui, de l'exultation née de l'exhaussement de la conscience, de l'illumination et de l'action qu'elle agrandit et soulève, et aussi de la joie de la beauté, de la puissance ou de la perfection ainsi créées. Jusqu'à quel point on ressent cet Ânanda dépend de l'état aie la conscience à ce moment, du tempérament et de l'activité du vital; bien entendu le yogi (ou même certains artistes dont le mental est fort et tranquille) n'est pas emporté par l'Ânanda, il le contient et l'observe et aucune excitation banale ne se mêle à son flot lorsqu'il parcourt le mental, le vital ou le corps. L'Ânanda du samarpaṇa, de la réalisation spirituelle ou de l'amour divin est certes bien plus grand, mais l'Ânanda de la création a aussi sa place.
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1301
[Il faut] regarder si c'est vraiment bien fait ou non et sentir l'Ânanda du travail accompli pour la Mère. Débarrassez-vous du "je". Si c'est bien fait, c'est la Force qui l'a fait; vous n'avez eu d'autre rôle que celui d'un bon ou d'un mauvais instrument.
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1302
Il doit y avoir le rasa [dans le travail], mais il vient avec la descente dynamique du Pouvoir.
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1303
Cette expérience est fréquente dans tout travail. La Mère explique qu'au début du travail, il y a une inspiration de ce que l'on doit faire; le mental agit tout d'abord comme un canal pour cette inspiration et tout va bien. Puis le mental se met à agir pour son propre compte (d'ordinaire sans que l'on s'en aperçoive, à moins d'être très conscient et habitué à s'observer avec attention) et à exécuter le travail sans l'inspiration d'origine, par ses moyens habituels. Cette perception est très claire dans un travail comme la poésie ou la musique, car on y sent venir l'inspiration, puis on la sent diminuer et se mêler au mental ordinaire. Tant qu'elle dure, tout se fait aisément et bien, mais dès que le mental commence à intervenir ou à agir à sa place, le travail est moins bon. Dans un travail comme la cuisine, l'inspiration n'est pas ressentie directement et d'une manière vivante, mais seulement peut-être comme une clarté, une capacité de perception, une confiance; alors quand le mental physique devient actif on ne le remarque pas. Dans une activité comme la poésie il est possible de s'interrompre jusqu'à ce que l'inspiration revienne, mais en cuisine ce n'est pas possible, le travail doit être fini sur-le-champ. Le seul remède est, je crois, de devenir plus conscient au-dedans, comme dans la sâdhanâ, jusqu'à ce que l'on puisse déceler le mouvement erroné de l'activité mentale inférieure et le contrecarrer en faisant descendre de nouveau, au moyen de la volonté, l'inspiration et la perception justes.
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1304
La Mère peut donner des indications et ouvrir des possibilités, mais si le mental s'interpose et qu'on ne s'y conforme pas, que faire?
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1305
Pourquoi vouloir faire les mêmes choses que les autres? Le travail pour lequel vous vous sentez inspiré est le meilleur pour vous.
1306
Au cours de la sâdhanâ on peut apprendre à faire appel à la Force de Vie universelle et à s'y réapprovisionner en énergie. Mais d'ordinaire le meilleur moyen est d'apprendre à s'ouvrir à la Force de la Mère et à devenir conscient qu'elle soutient et anime l'organisme ou qu'elle déverse en lui et lui donne l'énergie nécessaire au travail, qu'il soit mental, vital ou physique.
Il y a certes une Énergie plus haute au-dessus des Forces à l'œuvre dans l'univers actuel; c'est elle qui transformera la nature en s'emparant des énergies mentales, vitales et physiques pour les transformer à son image.
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1307
C'est une Force qui vient et pousse au travail; elle fait partie de la vie spirituelle au même titre que d'autres forces. C'est une Énergie spéciale qui s'empare du travailleur dans l'être et se réalise par lui. Travailler avec en soi une pleine énergie comme celle-là est tout à fait salutaire. La seule chose est de ne pas en faire trop, c'est-à-dire d'éviter de s'épuiser ou de retomber dans l'inertie physique.
En ce qui concerne la consécration, faites toujours le saṅkalpa de l'offrande, souvenez-vous et priez quand vous le pouvez (je veux dire, au sujet du travail). Ceci pour stabiliser une certaine attitude. Plus tard la Force pourra profiter de cette clé pour ouvrir au-dedans la consécration profonde.
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1308
La Force qui vient d'au-dessus est la Force de la Conscience supérieure. Celle qui vient de l'arrière-plan agit comme une force mentale, vitale ou physique selon les besoins. Quand l'être est ouvert à elle et qu'il est dans une certaine mesure passif à son fonctionnement, elle prend la place de l'activité personnelle et la Personne est un témoin de son action.
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1309
Je ne parlais pas de la Force qui descend d'en haut, mais de la Force qui vient de l'arrière-plan et accomplit l'action en utilisant le mental et le corps comme instruments. Très souvent, quand le mental et le corps sont inertes, ils continuent à agir grâce à cette Force qui les pousse.
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1310
Dans le cours ordinaire du yoga cette force physique est remplacée par une force yoguique ou force de vie yoguique qui entretient le corps et le fait travailler, mais en l'absence de cette force le corps est dénué de pouvoir, inerte et tamasique. Le seul remède est que l'être tout entier s'ouvre à la Yoga-Shakti dans chacun de ses plans: force mentale yoguique, force de vie yoguique, force corporelle yoguique.
Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre IV.
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1311
Oui. Si la conscience juste était toujours là, la fatigue n'apparaîtrait pas.
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1312
Pendant que vous faisiez ce travail la Force était en vous et la conscience juste emplissait le vital et le physique; plus tard, lorsque vous vous êtes détendu, la conscience physique ordinaire est revenue et a ramené les réactions ordinaires: fatigue, sciatique, etc.
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1313
Quand vous vous sentez fatigué, ne vous surmenez pas, reposez-vous; ne faites que votre travail ordinaire; faire sans cesse dans la fièvre une chose ou l'autre n'est pas le moyen de guérir la fatigue. Il faut être calme au-dehors et au-dedans quand on ressent cette impression de lassitude. Il y a toujours près de vous une force que vous pouvez faire entrer et qui éliminera tout cela, mais vous devez apprendre à être tranquille pour la recevoir.
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1314
Oui, c'est une erreur de se surmener puisqu'il y a ensuite une réaction. Si l'énergie est là, il ne faut pas tout dépenser, il faut en emmagasiner une partie pour accroître la force permanente de l'organisme.
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1315
Le surmenage fait venir l'inertie. Tout le monde a de l'inertie dans sa nature: la question est de savoir si elle est plus ou moins agissante.
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1316
Si l'on travaille trop, la qualité du travail se détériore quel que soit l'entrain du travailleur.
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1317
L'oisiveté doit bien entendu disparaître, mais je crois que vous êtes quelquefois tombé dans l'excès contraire. Être capable de travailler avec toute son énergie est nécessaire; mais être capable de ne pas travailler est nécessaire aussi.
Ce que vous dites de la conversation ordinaire est tout à fait juste; il est très nécessaire, pour la vraie conscience, que tout cela disparaisse.
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1318
Si le physique est dans un tel état et que le travail y suscite de telles réactions, il est inutile de le contraindre par la violence et de le soumettre à une tension exagérée. Mieux vaut l'éduquer et entraîner peu à peu la nature extérieure de l'être en apportant avec persistance le calme, la paix, la lumière, la force dans le système nerveux et les cellules du corps. Une contrainte violente appliquée au corps peut fort bien aller à l'encontre de son dessein. Votre sâdhanâ a sans doute été trop exclusivement intérieure et subjective; mais s'il en est ainsi, le remède ne peut pas venir en un moment. Mieux vaut par conséquent que vous vous absteniez de tout travail physique pénible pour le moment.
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1319
[La cause de la fatigue:] C'est sans doute un désir ou une préférence du vital, des goûts et des dégoûts dans le vital. Vous devez sentir que tout travail qui vous est donné est le travail de la Mère et vous devez l'exécuter avec joie, en vous ouvrant pour que la force de la Mère travaille à travers vous.
1320
Vous avez fait des progrès, bien sûr, mais ce que Mère vous a dit et qu'elle dit à tout le monde est vrai: pour être un véritable artiste, il faut travailler dur pendant des années. Votre erreur est cependant d'accorder trop d'importance à ces questions et de vous laisser décourager par le moindre échec, la moindre difficulté qu'elles soulèvent. La seule chose à faire est d'ouvrir votre conscience à ce qui descend, de laisser le changement s'opérer afin qu'elle devienne une conscience de paix, de lumière, de pouvoir et de joie pleine de la Présence divine. Quand cet état sera venu, alors ce que le Divin veut voir exécuté par votre intermédiaire ou développé en vous sera fait ou développé avec une rapidité et une perfection qui sont à présent impossibles. Donnez priorité à la seule chose nécessaire, tout le reste n'est actuellement qu'un champ d'exercice pour le développement de cette seule chose nécessaire.
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1321
Pour ce qui est de rédiger en français, vous ne devriez pas tant penser à vous exprimer: peu importe que d'autres aient écrit les mêmes choses et l'aient fait mieux que vous. Votre but devrait être simplement d'apprendre à écrire parfaitement le français, de devenir parfaitement capable d'utiliser la langue française en tant qu'instrument. Que la Force veuille ou non exprimer ensuite quelque chose par votre intermédiaire, vous devez laisser la Volonté divine en décider; quand vous vous placerez entre ses mains dans la vraie conscience, elle saura quoi faire ou ne pas faire de vous et utilisera pleinement l'ensemble des instruments, quels qu'ils soient, que vous pourrez mettre à sa disposition.
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1322
Je l'ai déjà dit, en toute matière: travail, étude, autant que dans le progrès intérieur, une même chose est nécessaire si vous voulez la perfection: avoir un mental calme, devenir conscient de la Force, vous ouvrir à elle, lui permettre de travailler en vous. Il est très bon d'avoir la perfection pour objectif, mais l'agitation du mental n'est pas la voie qui y mène. Vous appesantir sur vos imperfections et vous demander sans cesse comment faire et quoi faire n'est pas non plus la voie. Restez calme, ouvrez-vous, permettez à la conscience de grandir: appelez la Force à travailler. À mesure que la conscience grandira et que la Force travaillera, vous deviendrez conscient non seulement de ce qui est imparfait, mais du mouvement qui vous fera sortir de l'imperfection (non d'un coup, mais peu à peu) et vous n'aurez plus alors qu'à suivre ce mouvement.
Si vous vous surmenez en travaillant trop longtemps ou dans l'agitation, le système nerveux (le physique vital) en est troublé ou affaibli et vous êtes ainsi ouvert à l'action de forces mauvaises. Travailler, mais dans la tranquillité, pour que le progrès soit régulier, telle est la bonne voie.
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1323
La difficulté à laquelle vous vous heurtez provient en grande partie du fait que vous vous tourmentez sans cesse dans votre mental à propos de ces choses en pensant: "C'est mal, ceci ne va pas en moi, cela ne va pas dans mon travail", et par suite: "Je suis incompétente, je suis incapable, je ne suis bonne à rien". Votre travail de broderie, vos abat-jour, etc., étaient toujours très bien exécutés et cependant vous êtes sans arrêt en train de penser: "c'est du mauvais travail, c'est mal fait", et ainsi vous vous jetez dans la confusion et vous vous embrouillez. Vous faites de temps en temps une erreur, c'est naturel, mais plus encore quand vous vous tourmentez de la sorte que lorsque vous travaillez avec simplicité et confiance.
Que ce soit dans le travail ou dans la sâdhanâ, mieux vaut aller son chemin en toute tranquillité, en permettant à la force d'agir et en faisant de son mieux pour qu'elle agisse comme il faut, mais sans se torturer ni tout remettre sans cesse en question en s'agitant à tout propos. Quelles que soient vos imperfections, elles s'en iraient beaucoup plus vite si vous ne les ressassiez pas tant, car en vous appesantissant sur elles à ce point, vous perdez votre confiance en vous et en votre faculté de vous ouvrir à la Force — qui est là de toute façon — et vous opposez des obstacles inutiles à son action.
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1324
Ne vous inquiétez pas des erreurs dans le travail. Souvent vous vous imaginez que les choses sont mal faites alors qu'en réalité vous avez très bien fait: même s'il y a des erreurs, ce n'est pas une raison pour vous en affliger. Laissez grandir la conscience; dans la seule conscience divine réside une entière perfection. Plus vous vous donnerez au Divin, plus grande sera la possibilité de perfection en vous.
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1325
N'attachez pas trop d'importance à ces erreurs et n'en soyez pas bouleversé. Il est dans la nature du mental de se tromper ainsi. Seule une conscience plus haute peut corriger de telles erreurs; le mental ne peut avoir de certitude qu'après un très long entraînement dans chaque action en particulier et même alors, il suffit qu'il relâche sa vigilance pour que quelque chose de malencontreux se produise. Faites du mieux que vous pouvez et pour le reste, laissez croître la conscience supérieure jusqu'à ce qu'elle puisse illuminer tous les mouvements du mental physique.
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1326
L'habileté dans les œuvres viendra quand le mental physique et le corps seront ouverts. Vous n'avez pas à vous en inquiéter pour le moment. Faites de votre mieux et ne soyez pas inquiet à ce propos.
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1327
Pensez à votre travail pendant que vous le faites, ni avant, ni après.
Ne laissez pas votre mental revenir sur un travail terminé. Ce travail appartient au passé et tout remaniement est un gaspillage de pouvoir.
Ne laissez pas votre mental se tourmenter à l'avance au sujet d'un travail à faire. Le Pouvoir qui agit en vous y veillera quand il le jugera bon.
Ces deux habitudes du mental appartiennent à un fonctionnement passé que la Force transformatrice travaille à éliminer; la persistance du mental physique à les perpétuer est la cause de la tension et de la fatigue que vous ressentez. Si vous pouvez vous souvenir de ne laisser votre mental agir que lorsque son action est nécessaire, la tension diminuera et disparaîtra. En réalité c'est le mouvement transitoire qui se produit avant que le fonctionnement supramental ne prenne possession du mental physique et n'apporte en lui l'action spontanée de la Lumière.
1328
Oui, c'est évident, l'une des grandes utilités du travail est de mettre la nature à l'épreuve et de placer le sâdhak face à des imperfections de son être extérieur qui autrement auraient pu lui échapper.
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1329
Les actions n'ont d'importance que dans la mesure où elles sont une expression de ce qui est dans la nature. Vous devez être conscient de tout ce qui, dans vos actes, n'est pas en harmonie avec le yoga et vous en débarrasser. Mais pour y parvenir, il faut que votre propre conscience, le psychique, observe de l'intérieur et rejette au-dehors ce qu'elle considère comme indésirable.
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1330
Mieux vaut faire le travail comme une sâdhanâ pour se débarrasser des imperfections que d'admettre les imperfections et d'en faire une raison de ne pas travailler. Au lieu d'accepter ces réactions comme si elles étaient une loi immuable de votre nature, vous devriez décider qu'elles ne doivent plus apparaître et faire descendre l'aide de la force de Mère pour qu'elle purifie le vital et les élimine totalement. Si vous êtes persuadé qu'un désordre doit se produire dans le corps, il se produira, cela va sans dire; fixez plutôt dans votre mental l'idée et la volonté qu'il ne doit pas se produire et qu'il ne se produira pas. S'il essaie de venir, rejetez-le et repoussez-le loin de vous.
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1331
C'est une grande erreur du vital humain que de vouloir des compliments pour eux-mêmes, d'être démoralisé par leur absence et de s'imaginer que c'est un signe d'incapacité. Dans tout ce que l'on fait en ce monde on commence par l'ignorance et l'imperfection; on doit découvrir ses fautes et apprendre, on doit commettre des erreurs et trouver, en les corrigeant, la vraie manière de faire les choses. Personne au monde n'a jamais échappé à cette loi. Aussi, ce que l'on doit attendre des autres, ce ne sont pas des compliments à tout propos, mais des louanges pour ce qui est juste ou bien fait et des critiques pour les erreurs et les fautes. Plus on peut supporter les critiques et voir ses propres fautes, plus on a de chances d'atteindre à la plénitude de ses possibilités. En particulier quand on est très jeune — avant d'avoir atteint la maturité — il n'est pas facile de produire une œuvre parfaite. Ce qu'on appelle l'œuvre de jeunesse des poètes et des peintres, le travail qu'ils ont fait pendant leurs jeunes années, est toujours imparfait; il est une promesse, il a des qualités, mais la vraie perfection et le plein usage des pouvoirs viennent plus tard. Les artistes le savent très bien, mais ils continuent d'écrire ou de peindre parce qu'ils savent qu'ainsi ils développeront leurs pouvoirs.
On ne devrait pas se comparer aux autres. Chacun a sa propre leçon à apprendre, son propre travail à faire, et il doit se préoccuper de cela, non du progrès supérieur ou inférieur des autres par comparaison au sien. S'il est en retard aujourd'hui, il peut être en pleine possession de ses moyens plus tard et c'est en vue de cette perfection future de ses pouvoirs qu'il doit faire effort. Vous êtes jeune et vous avez encore tout à apprendre; vos facultés ne sont encore qu'en bouton, vous devez attendre et travailler pour qu'elles atteignent leur pleine floraison et il doit vous être indifférent que des mois ou même des années soient nécessaires pour que vous parveniez à quelque chose de satisfaisant et de parfait. Cela viendra en temps opportun et tout travail que vous faites maintenant est un pas dans cette direction.
Mais apprenez à bien accueillir ceux qui vous critiquent et vous signalent vos imperfections; plus vous le ferez, plus rapidement vous avancerez.
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1332
Celui qui apprend à peindre, à jouer de la musique ou à écrire et n'aime pas que ceux qui savent déjà relèvent ses fautes, comment apprendra-t-il ou atteindra-t-il à une quelconque perfection dans la technique?
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1333
Nous ne pouvons pas approuver votre idée: il y a déjà assez d'intellectuels à l'Ashram et l'intellectuel en chambre est un spécimen d'humanité dont nous ne sommes pas disposés à encourager la prolifération. Le travail extérieur est exactement ce qu'il faut pour conserver l'équilibre de la nature et vous en avez certes besoin à cette fin. Votre présence à la Salle à Manger1 est indispensable aussi. Pour le reste, au lieu de vous fâcher avec X ou Y, vous devriez chercher en vous-même la cause de ces incidents: c'est toujours la vraie règle pour un sâdhak. Vous êtes parfois au mieux de vous-même et alors tout va très bien; à d'autres moments c'est tout le contraire, alors ces malentendus se produisent. Le remède est par conséquent d'être toujours au mieux de vous-même: non pas d'être toujours dans votre chambre, mais d'être toujours dans votre meilleur moi et par conséquent votre vrai moi.
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1334
La difficulté provient d'une certaine susceptibilité excessive de la nature vitale qui ressent fortement tout manque d'harmonie dans le travail, tout antagonisme ou tout événement malencontreux; quand cela se produit, on est enclin à le ressentir comme un antagonisme personnel et de l'autre côté aussi, un sentiment analogue apparaît; alors la difficulté se prolonge et mène à un conflit. En fait elle naît souvent des circonstances: par exemple, il est peut-être plus difficile qu'auparavant, pour la section des bâtiments dont le personnel très réduit est tout entier pris par des tâches urgentes, de vous rendre service. Le malentendu peut venir aussi du fait que les gens agissent selon leur manière d'envisager la question qui ne correspond pas à la vôtre. Ou encore il peut venir de ce que la personne suit ses propres opinions, ses idées personnelles sur ce qui est commode ou efficace, et contrarie ainsi les vôtres. Il peut n'y avoir aucun sentiment personnel dans tout cela et mieux vaut ne pas en chercher un et ne pas voir les choses de cette façon. Ce qu'il faut faire, c'est toujours tout considérer avec une vision calme et claire et pas seulement de son propre point de vue (qui peut se révéler juste et pourtant appeler des modifications de détail), mais avec une vision qui tient compte aussi du point de vue des autres; cette vision large, tranquille et impersonnelle est nécessaire dans la pleine conscience yoguique. Lorsqu'on la possède, on peut exiger ce qui doit être exigé avec fermeté, mais en même temps avec une estime et une compréhension de l'autre qui éliminent tout risque de heurter ses sentiments personnels. Naturellement si l'autre n'est pas raisonnable, il peut tout de même se sentir offensé, mais alors ce sera entièrement de sa faute et il en subira seul les conséquences. C'est ici que nous voyons la nécessité d'un changement. La loyauté, la fidélité, la capacité, la force de volonté et d'autres qualités dans le travail, vous n'en manquez pas; un calme et une égalité complètes, non seulement dans l'être intérieur — où ils existent peut-être déjà — mais dans les parties nerveuses extérieures, voilà ce que vous devez acquérir complètement.
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1335
Il y a toujours des défauts des deux côtés, c'est ce qui entraîne ces discordances. De votre côté vous avez [...] une tendance à juger trop durement les autres, une promptitude à voir et à souligner les fautes, les défauts, les côtés faibles des autres et à ne pas voir suffisamment leurs bons côtés. Ce penchant vous empêche d'être aussi bienveillant que vous devriez l'être, donne une impression de dureté et de sévérité critique et provoque chez les autres une tendance à l'antagonisme et à la révolte qui, même si elle n'est pas dans leur mental, agit par l'intermédiaire de leur subconscient et crée tous ces mouvements discordants. Tirer profit de ce qui est bon chez les autres, ne regarder que cela et traiter avec tact leurs erreurs, leurs fautes et leurs imperfections, telle est la meilleure manière d'agir; elle n'exclut pas la fermeté et le maintien de la discipline ni même la sévérité, quand elle est justifiée; mais elle doit être rare et les autres ne devraient pas avoir l'impression qu'elle est une attitude permanente.
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1336
Si vous percevez la différence entre vos sentiments intérieurs et vos réactions de surface, c'est le signe que vous devenez conscient des diverses parties de votre nature dont chacune a son propre caractère. En fait chaque être humain est composé de plusieurs personnalités qui sentent et se conduisent chacune d'une manière différente et son action est déterminée par celle qui se trouve prédominer sur le moment. La partie qui n'a de ressentiment contre personne est soit l'être psychique, soit l'être émotionnel dans le cœur; celle qui ressent la colère et est pleine de sévérité est une certaine partie de la nature vitale extérieure de surface. Cette colère et cette sévérité sont une forme erronée de quelque chose qui, en soi, a sa valeur: une certaine volonté vigoureuse, une force d'action et de maîtrise dans l'être vital sans laquelle le travail ne peut pas se faire. Il faut se débarrasser de la colère et conserver la force et la ferme volonté ainsi qu'un jugement mûri sur ce qu'il est juste de faire dans n'importe quelle circonstance. Par exemple, on peut toujours permettre aux gens d'exécuter le travail à leur manière quand cela ne nuit pas au travail, quand c'est simplement leur manière d'exécuter ce qu'ils ont à faire; quand leur manière de faire s'oppose à la discipline du travail, alors il faut les contraindre, mais avec calme et bonté, non avec colère. Très souvent, si l'on a cultivé un pouvoir silencieux de mettre la force de la Mère sur le travail en utilisant sa propre volonté comme instrument, cela peut suffire sans qu'il soit nécessaire de dire quoi que ce soit, puisque la personne change d'elle-même sa manière de faire comme si cela venait de sa propre initiative.
Ce sentiment de ne pas pouvoir manger et que manger n'est pas nécessaire est une sorte de suggestion qui vient à quelques-uns. Il doit être rejeté et balayé de l'organisme car il peut entraîner un affaiblissement du corps dû à une alimentation insuffisante. Souvent, au début, on ne sent pas la faiblesse, une énergie vitale vient qui soutient le corps, mais plus tard le corps s'affaiblit. Ce sentiment peut quelquefois venir quand on s'intériorise beaucoup et que l'on ne se soucie pas des besoins du corps; mais il ne faut pas l'accepter. S'il est rejeté, il est probable qu'il disparaîtra.
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1337
Décourager qui que ce soit est mauvais, mais donner un faux encouragement ou encourager quelque chose de mauvais n'est pas juste. On doit parfois user de sévérité (mais non en abuser) quand sans elle on ne peut corriger une persévérance obstinée dans l'erreur. Très souvent, si une communication intérieure a été établie, une pression silencieuse est plus efficace que quoi que ce soit d'autre. Aucune règle absolue ne peut être posée; on doit juger et agir pour le mieux dans chaque cas.
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1338
C'est tout à fait nécessaire au travail; la diligence et la discipline sont indispensables. Elles ne peuvent cependant être maintenues qu'en partie par des moyens extérieurs; dans la vie ordinaire, elles dépendent en réalité de la personnalité du supérieur, de son influence sur les subordonnés, de sa fermeté, de son tact, de sa bonté dans ses rapports avec eux. Mais le sâdhak s'appuie sur une force plus profonde, celle de sa conscience intérieure et de la force qui agit par son intermédiaire.
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1339
Cela [discipliner les subordonnés] doit être fait dans l'esprit juste et les subordonnés doivent pouvoir le sentir: sentir qu'ils sont traités en toute équité par un homme qui a de la sympathie et de la perspicacité, pas seulement de la sévérité et de l'énergie. Il s'agit d'avoir du tact vital et un vital fort et vaste qui trouve toujours la manière juste d'agir avec les autres.
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1340
Nous avons été très heureux de recevoir vos lettres dont tous les détails prouvent quel progrès rapide et considérable vous avez fait dans la sâdhanâ. Tout ce que vous écrivez montre une conscience claire et une orientation nouvelle dans le vital inférieur. Avoir vu clairement l'instinct de domination et l'orgueil de l'instrument qui se trouvent dans cette partie de l'être indique qu'elle est en bonne voie pour se transformer; ces défauts doivent maintenant être remplacés par leurs justes contreparties: le pouvoir d'agir sans ego sur les autres pour ce qui est Vrai et Juste, le pouvoir d'être un instrument du Divin fort et confiant, mais sans ego. Il est clair aussi que le physique est effectivement en train de s'ouvrir, mais en lui les mouvements du physique instinctif et du physique vital (peur dans le corps, faiblesse, tendance à la mauvaise santé) doivent aussi s'en aller. En ce qui concerne le régime, une nourriture légère, suffisante pour assurer la force et l'entretien du corps, est ce qu'il y a de mieux pour vous; la viande n'est pas à conseiller.
Que la grande ouverture qui est venue en vous se développe et que votre être tout entier, jusqu'au matériel, s'emplisse de la vraie conscience et du vrai pouvoir.
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1341
Vous savez ce qu'il faut faire: prendre l'attitude intérieure requise et la conserver; quand l'ouverture à la Force et l'intensité, le courage et le pouvoir dans l'action qui viennent d'elle sont là, on peut faire face aux circonstances extérieures et les infléchir dans la bonne direction.
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1342
Chaque fois que quelque chose de malencontreux se produit, il est essentiel de ne permettre [...] à aucune vibration de trouble ou d'agitation d'intervenir ni dans le mental physique, ni dans les nerfs. On doit rester calme et ouvert à la Lumière et à la Force; alors on sera capable d'agir de la manière juste.
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1343
Du point de vue de la sâdhanâ, vous ne devez pas vous laisser le moins du monde troubler par tout cela. Ce que vous avez à faire, ce qu'il est juste de faire, devrait être fait dans un calme parfait avec le soutien de la Force divine. Tout ce qui est nécessaire pour obtenir un résultat heureux peut être fait, y compris vous assurer l'appui de ceux qui sont capables de vous aider. Toutefois, si cet appui extérieur se fait attendre, vous ne devez pas en être troublé, mais poursuivre calmement votre chemin. S'il survient quelque part un échec ou une difficulté dont vous n'êtes pas responsable, vous ne devez pas en être bouleversé. La force, un calme impassible, une action tranquille, simple et juste dans toutes les affaires que vous avez à traiter, telle doit être votre règle.
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1344
Garder cette équanimité et cette absence de réaction et à partir de cette base de calme, diriger la force du yoga sur les choses et les personnes (non à des fins égoïstes, mais pour que le travail soit fait), telle est la condition du yogi.
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1345
Demeurez impassible, ne soyez pas offensé, faites votre travail sans vous décourager, appelez la Force afin qu'elle agisse à votre place. C'est pour vous un terrain d'épreuve; le résultat intérieur est plus important que le résultat extérieur.
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1346
Une double action est nécessaire: annihiler la mauvaise volonté des subordonnés et amener les supérieurs à changer d'avis; une action invisible, car dans le visible ils semblent trop sous l'empire des Forces de l'Ignorance.
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1347
Vous devez faire de vous-même un instrument de la Force invisible, être capable pour ainsi dire de la diriger vers le point requis et dans le but requis. Mais pour cela la samatâ doit être totale, car un usage calme et lumineux de la Force est nécessaire. Autrement l'usage de la Force, s'il s'accompagne de réactions de l'ego, peut susciter en contrepartie une résistance de l'ego et un conflit.
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1348
L'accroissement de la samatâ n'est qu'une première condition. Quand, sur la base de la samatâ, une Force intelligente pourra être utilisée pour annuler ces attaques, elles deviendront impossibles.
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1349
[Attaques physiques dirigées par des forces adverses contre les personnes qui collaborent:] Cela fait toujours partie de leur tactique dans la sphère physique. On ne peut les conjurer qu'en employant contre elles une Force supérieure.
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1350
Telle est l'attitude juste d'égalité intérieure: demeurer impassible quoi qu'il puisse arriver à l'extérieur. Mais ce qui est nécessaire à la réussite dans le domaine extérieur (si vous n'utilisez pas les moyens humains, diplomatie ou tactique), c'est le pouvoir de transmettre avec calme une Force capable de modifier l'attitude des hommes et les circonstances et de rendre toute action extérieure à la fois juste et efficace.
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1351
Pour le sâdhak les luttes, les ennuis, les désastres extérieurs ne sont qu'un moyen de surmonter l'ego et le désir radjasique et de parvenir à une soumission complète. Tant que l'on s'attache à la réussite, on fait le travail pour l'ego, au moins en partie; les difficultés et les échecs extérieurs surviennent pour vous avertir qu'il en est ainsi et vous conduire à l'égalité complète. Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas acquérir le pouvoir de vaincre, mais le plus important n'est pas le succès dans le travail du moment, c'est le pouvoir de recevoir et de transmettre une vision juste de plus en plus grande et une Force intérieure qui doit être développée; et il faut le faire avec beaucoup de sang-froid et de patience, sans être ni exalté ni troublé par la victoire ou l'échec du moment.
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1352
Ce que vous devez comprendre, c'est que votre succès ou votre échec dépend, d'abord et toujours, du fait que vous restiez dans l'attitude juste et dans la vraie atmosphère spirituelle et psychique, et que vous laissiez la force de la Mère agir par votre intermédiaire [...]
Autant que je puis en juger par vos lettres, vous considérez trop son soutien comme une chose qui va de soi et vous donnez le pas à vos propres idées, à vos propres projets et à vos propres paroles quand il s'agit du travail; mais ceux-ci, qu'ils soient bons ou mauvais, justes ou erronés, iront à un échec inévitable s'ils ne sont pas des instruments de la vraie Force [...] Vous devez être sans cesse concentré, toujours vous en remettre à la force qui vous est envoyée d'ici pour qu'elle résolve les difficultés, toujours la laisser agir et ne pas y substituer votre propre mental et votre volonté ou votre impulsion vitale indépendante [...]
Poursuivez votre travail sans jamais oublier les conditions de la réussite. Ne vous absorbez pas dans le travail ni dans vos idées ou vos projets, et n'oubliez pas non plus de garder sans cesse le contact avec la vraie source. Ne permettez pas à l'influence mentale ou vitale de quiconque, ni à l'influence de l'atmosphère environnante ou de la mentalité humaine ordinaire de s'interposer entre vous et le pouvoir et la présence de la Mère.
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1353
Il est très satisfaisant que vous ayez si bien terminé le travail que vous aviez entrepris pour la Mère [...] surmontant toutes les difficultés et aboutissant à un résultat aussi heureux [...] Mais assurément votre travail pour la Mère sera toujours aussi minutieux, consciencieux et habile, inspiré par une foi solide et une ouverture à sa force; où ces choses existent, la réussite est toujours certaine.
1354
Un ordre harmonieux et une organisation dans le domaine physique sont indispensables à l'efficacité et à la perfection et rendent l'instrument apte à tout travail qui lui est donné.
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1355
Il ne peut y avoir de vie physique sans un ordre et un rythme. Si cet ordre est changé, ce doit être pour obéir à une croissance intérieure et non pour le seul attrait de la nouveauté extérieure. Seule une certaine partie de la nature vitale inférieure de surface est sans cesse à la recherche du changement extérieur et de la nouveauté pour eux-mêmes.
C'est par une croissance intérieure constante que l'on peut trouver dans la vie une constante nouveauté et un intérêt qui ne faiblit point. Aucun autre moyen n'est satisfaisant.
Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre IV.
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1356
L'impatience quand les choses vont mal est le défaut d'une qualité: l'importance accordée à l'exactitude et à l'ordre. Le tout est de garder la qualité et de se débarrasser du défaut.
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1357
Pour vous occuper des choses les plus matérielles vous devez fixer un programme, sinon tout devient un océan de confusion et se fait n'importe comment. Il faut aussi établir des règles strictes pour l'utilisation des objets matériels tant que les gens ne sont pas assez développés pour s'en occuper correctement sans être soumis à des règles. Mais en matière de développement intérieur et de sâdhanâ, il est impossible de dresser un plan dans tous ses détails et de dire: "Chaque fois vous vous arrêterez là, ici, de telle manière, à cette limite et pas plus loin." Tout deviendrait alors si bloqué et si rigide que rien ne pourrait se faire: il ne pourrait y avoir aucun mouvement vrai et efficace.
Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre III.
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1358
Il doit y avoir dans le travail une règle et une discipline et autant de ponctualité qu'il est possible en ce qui concerne les horaires.
Quelle est la différence de valeur entre ce travail-ci et celui-là? Tout est le travail de la Mère et égal à Ses yeux.
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1359
Être capable de régularité est une grande force, on devient maître de son temps et de ses mouvements.
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1360
Une résolution, c'est la volonté d'essayer de faire quelque chose dans un temps donné. Ce n'est pas une "promesse" par laquelle on s'engage à le faire dans le temps donné. Même si l'on n'y parvient pas, l'effort devra se poursuivre tout comme si aucun délai n'avait été fixé.
1361
Le gaspillage éhonté, le gâchis des objets matériels en un temps incroyablement court par manque de soin, la négligence désordonnée, le mauvais usage de la main-d'œuvre et des matériaux dû soit à une avidité du vital, soit à une inertie tamasique sont néfastes à la prospérité et tendent à détourner ou à décourager le Pouvoir de Richesse. Ces choses s'étalent depuis longtemps dans la société et si elles continuent, un accroissement de nos moyens pourrait bien se traduire par une augmentation proportionnelle du gaspillage et du désordre et neutraliser l'avantage matériel. Il faut y remédier pour qu'il y ait un progrès tant soit peu solide.
Nouvelles Lumières sur le Yoga, chapitre III.
L'ascétisme pour l'ascétisme n'est pas l'idéal de notre yoga; mais la maîtrise de soi dans le vital et un ordre juste dans le matériel en sont une très importante partie. Mais même une discipline ascétique est plus favorable à notre dessein qu'une molle absence de vraie maîtrise. Maîtriser les choses matérielles ne veut pas dire avoir de grandes possessions et les gaspiller avec prodigalité ou les gâcher aussi vite qu'elles viennent, ou même plus vite. La maîtrise implique l'utilisation juste et soigneuse des choses et aussi la maîtrise de soi dans leur usage.
Les Bases du Yoga, chapitre IV. Traduction de la Mère.
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1362
Il ne faut pas mépriser les objets matériels: sans eux, il ne pourrait pas y avoir de manifestation dans le monde matériel.
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1363
Il y a dans chaque objet matériel une conscience avec laquelle on peut communiquer. Tout a une individualité d'un certain genre: les maisons, les voitures, les meubles, etc. Les peuples de l'antiquité le savaient; aussi voyaient-ils un esprit ou "génie" dans chaque objet matériel.
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1364
Ce que vous ressentez à l'égard des objets matériels est vrai. Il y a en eux une conscience et une vie qui ne sont pas la vie et la conscience de l'homme et de l'animal telles que nous les connaissons, mais qui cependant sont cachées et réelles. C'est pourquoi nous devons avoir du respect pour les objets matériels et les employer correctement, ne pas les malmener ou les gaspiller, ne pas les maltraiter ni les manier sans soin, avec brutalité. Ce sentiment que tout est conscient ou vivant apparaît lorsque notre propre conscience physique — et pas seulement le mental — s'éveille de son obscurité et commence à percevoir l'Un en toutes choses, le Divin partout.
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Il est tout à fait vrai que les objets matériels ont en eux une conscience qui sent le soin que l'on prend d'eux et y réagit, qui est sensible à tout contact négligent et à toute manipulation brutale. Le savoir ou le sentir et apprendre à être soigneux est un grand progrès de la conscience.
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1366
Manier brutalement les objets matériels, les briser par manque de soin, les gaspiller ou en faire mauvais usage est une négation de la conscience yoguique et un grand obstacle à la descente de la Vérité divine dans le plan matériel.
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1367
C'est, je suppose, une idée qui est venue par l'intermédiaire du mental physique et qui vous a poussé à considérer seulement l'utilité matérielle en négligeant toute autre perception et tout autre motif. Vous devez vous méfier des idées et des suggestions de ce mental physique et n'en accepter aucune sans discrimination et sans l'avoir soumise à une lumière plus haute.
1 La Salle à Manger de l'Ashram où les disciples prennent leurs repas en commun.