Mère
Entretiens
Le 9 juillet 1958
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«La religion s’est d’elle-même exposée au démenti par sa prétention à décider de la vérité par autorité divine, par inspiration, par une souveraineté sacro-sainte et infaillible qui lui aurait été octroyée d’en haut. Elle a cherché à s’imposer sans question ni discussion à la pensée, aux émotions, à la conduite humaine. Or c’est une prétention excessive et prématurée, bien qu’en un sens elle s’impose à la pensée religieuse par le caractère impérieux et absolu des inspirations et des illuminations qui sont sa garantie et sa justification, et par la nécessité de la foi qui, au milieu de l’ignorance, des doutes, des faiblesses et des incertitudes du mental, joue le rôle de lumière et de pouvoir occultes venant de l’âme. La foi est indispensable à l’homme, car sans elle, il ne pourrait pas progresser dans son voyage à travers l’inconnu. Mais elle ne doit pas être imposée; il faut qu’elle vienne comme une libre perception ou comme une direction impérative de l’esprit intérieur. On ne pourrait légitimement exiger de l’homme une adhésion sans discussion que s’il était déjà parvenu au terme de sa progression, grâce à l’effort spirituel, et avait atteint la plus haute Conscience-de-Verite, une conscience totale et intégrale, libre de tous les mélanges de l’ignorance mentale et vitale. Tel est bien notre but final, mais il n’a pas encore été atteint, et les prétentions prématurées de la religion ont obscurci l’oeuvre véritable de l’instinct religieux dans l’homme, qui est de le conduire vers la Réalité Divine, de donner forme à tout ce qu’il a déjà accompli dans cette direction et d’apporter à chaque être humain le moule d’une discipline spirituelle, un moyen de chercher la divine Vérité et de s’en approcher et de la toucher, un chemin qui soit conforme aux potentialités de sa nature.» (L’Évolution spirituelle, p. 49-50)
Douce Mère, peut-on augmenter la foi par un effort personnel?
La foi est certainement un cadeau que nous fait la Grâce divine. C’est comme une porte qui s’ouvre soudain sur une vérité éternelle et par laquelle nous pouvons la voir, presque la toucher.
Comme toute chose dans l’ascension humaine, il y a (surtout au début) la nécessité d’un effort personnel. Il se peut qu’en certaines circonstances exceptionnelles, pour des raisons qui échappent totalement à notre intelligence, la foi arrive comme un accident, d’une façon tout à fait inattendue, presque sans avoir été jamais sollicitée; mais dans les cas les plus fréquents, c’est toujours une réponse à un désir, un besoin, une aspiration, quelque chose dans l’être qui cherche et qui veut, même si ce n’est pas d’une façon très consciente et systématique. Mais en tout cas, quand la foi a été octroyée, quand on a eu cette illumination soudaine et intérieure, pour la conserver d’une façon constante dans la conscience active, l’effort individuel est tout à fait indispensable. Il faut tenir à sa foi, vouloir sa foi; il faut la rechercher, la cultiver, la protéger.
Il y a, dans le mental humain, une habitude morbide et déplorable de doute, de discussion, de scepticisme. C’est là que doit s’exercer l’effort humain: le refus de les admettre, le refus de les écouter, et encore plus le refus de les suivre. Il n’est pas de jeu plus dangereux que de jouer mentalement avec le doute et le scepticisme. Ce ne sont pas seulement des ennemis, ce sont des pièges terribles, et une fois que l’on y est tombé, on a une difficulté formidable à s’en extraire.
Il y a des personnes qui pensent que c’est d’une très grande élégance mentale de jouer avec les idées, de les discuter, de contredire sa foi, que cela vous donne une attitude très supérieure, que vous êtes ainsi au-dessus des «superstitions» et des «ignorances»; mais en écoutant les suggestions du doute et du scepticisme, c’est là que l’on tombe dans l’ignorance la plus grossière et que l’on s’éloigne du droit chemin. On entre dans la confusion, dans l’erreur, dans un méandre de contradictions... On n’est pas toujours sûr de pouvoir en sortir. On s’éloigne tant de la vérité intérieure qu’on la perd de vue, et que parfois aussi on perd tout contact possible avec son âme.
Certainement, il faut un effort personnel pour conserver sa foi, pour la laisser grandir en soi. Plus tard, beaucoup plus tard, on peut un jour, en regardant en arrière, voir que tout ce qui est arrivé, même ce qui nous paraissait le pire, était une grâce divine pour nous faire avancer sur le chemin; et alors on s’aperçoit que l’effort personnel était aussi une grâce. Mais avant d’en arriver là, il faut beaucoup marcher, beaucoup lutter, parfois même beaucoup souffrir.
S’asseoir dans une passivité inerte et dire: «Si je dois avoir la foi, je l’aurai, le Divin me la donnera», est une attitude de paresse, d’inconscience, et presque de mauvaise volonté.
Pour que la flamme intérieure brûle, il faut l’alimenter, il faut surveiller le feu, il faut y jeter les combustibles de toutes les erreurs dont on veut se débarrasser, de tout ce qui retarde la marche, de tout ce qui obscurcit le chemin. Si l’on n’alimente pas le feu, il couve sous les cendres de votre inconscience et de votre inertie, et alors, ce ne sont plus des années, ce sont des vies, des siècles qui passeront avant que vous n’arriviez au but.
On doit veiller sur sa foi comme on veille sur le berceau d’une chose infiniment précieuse, et la protéger très soigneusement de tout ce qui peut l’altérer.
Dans l’ignorance et l’obscurité du début, la foi est l’expression la plus directe du Pouvoir divin qui vient pour lutter et conquérir.