Mère
Entretiens
Le 14 mai 1958
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«De même que la vie de la plante contient en elle-même la possibilité obscure de l’animal conscient, de même que l’intelligence animale est agitée de sentiments, mue par des perceptions et des concepts rudimentaires qui sont une première base pour l’homme, le penseur, de même l’homme, l’être mental, est affiné par l’effort de l’Énergie évolutive qui cherche à développer en lui l’homme spirituel, un être pleinement conscient, un homme qui dépasse son premier moi matériel et découvre son vrai moi, sa nature supérieure.
«Mais si l’on doit admettre que telle est l’intention de la Nature, deux questions se posent aussitôt qui exigent une réponse définitive. D’abord, quelle est la nature exacte de la transition de l’être mental à l’être spirituel, et lorsque cette réponse est donnée, quels sont le processus et la méthode qui permettent l’évolution de l’homme spirituel à partir de l’homme mental? Puisque dans l’évolution chaque degré émerge non seulement du degré précédent, mais en lui, puisque la vie émerge dans la matière et qu’elle est largement limitée et déterminée dans son expression par les conditions matérielles, puisque le mental émerge dans la vie-dans-la-matière et qu’il est de même limité et déterminé dans son expression par les conditions de vie et les conditions matérielles, il semblerait donc à première vue évident que l’Esprit aussi doive émerger dans un mental incarné dans la vie-dans-la-matiere et qu’il doive être limité et déterminé largement par les conditions mentales dans lesquelles il plonge ses racines, comme par les conditions de vie et les conditions matérielles de son existence ici-bas.» (L’Évolution spirituelle, p. 34-35)
À mesure que se développent, peut-être pas d’une façon très évidente mais d’une façon certaine, les débuts de la vie supramentale qui doit être la réalisation prochaine dans le développement de l’univers, il semble de plus en plus évident que le moyen le plus difficile de s’approcher de cette vie supramentale, c’est l’activité intellectuelle.
On pourrait dire qu’il est beaucoup plus difficile de passer de la vie mentale à la vie supramentale que de passer d’une certaine émotion psychique dans la vie — quelque chose qui est comme une réflexion, une émanation lumineuse de la Présence divine dans la matière — à la conscience supramentale; il est beaucoup plus facile de passer de cela à la conscience supramentale que de passer de la spéculation intellectuelle la plus haute à toute vibration supramentale. Peut-être est-ce le mot qui nous trompe! Peut-être est-ce parce que nous appelons cela «supramental» que nous nous attendons à y arriver par une activité mentale intellectuelle supérieure? Mais le fait est très différent. On semble aller, par cette activité intellectuelle très haute, très pure, très noble, vers une sorte d’abstraction froide et sans pouvoir, une lumière glacée qui est certainement très loin de la vie, et encore plus loin de l’expérience de la réalité supramentale.
Il y a, dans cette nouvelle substance qui se répand et agit dans le monde, une chaleur, une puissance, une joie si intenses que toute activité intellectuelle paraît froide et sèche à côté. Et c’est pourquoi moins on parle de ces choses, mieux cela vaut. Un seul instant, un seul élan d’amour profond et vrai, une seule minute de cette compréhension qui se trouve dans la Grâce divine, vous mène beaucoup plus près du but que toutes les explications possibles.
Même une sorte de sensation raffinée, subtile, claire, lumineuse, aiguë, qui pénètre profondément, vous ouvre plus la porte que les explications les plus subtiles.
Et si nous poussons l’expérience encore un peu plus loin, il semble que lorsqu’on en arrive à ce travail de transformation du corps, quand quelques cellules du corps, plus prêtes que les autres, plus raffinées, plus subtiles, plus plastiques, parviennent à sentir d’une façon concrète la présence de la Grâce divine, de la Volonté divine, du Pouvoir divin, de cette Connaissance qui n’est pas intellectuelle, qui est une connaissance d’identité, quand on sent cela dans les cellules du corps, alors, l’expérience est si totale, si impérative, si vivante, concrète, tangible, réelle, que tout le reste paraît un vain rêve.
Et ainsi, on peut dire que c’est vraiment quand le cercle sera achevé et que les deux extrémités se toucheront, quand le plus haut se manifestera dans le plus matériel, que l’expérience sera vraiment concluante.
Il semble que l’on ne puisse jamais comprendre vraiment que lorsqu’on comprend avec son corps.