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Mère

l'Agenda

Volume 5

28 novembre 1964

Je continue à revivre des aspects oubliés, rejetés de la nature, des aspects de cette vie qui reviennent sous forme de souvenirs revécus, comme si quelqu'un, tu sais, cherchait la «petite bête» (!) dans tous les mouvements possibles qui se sont produits dans ce corps, pour faire non seulement un balayage mais une purification, une rectification et une illumination – tous les souvenirs corporels (je ne parle pas du mental ni du vital)... extraordinaire!

Et la compréhension vient en même temps, de tous les gens que j'ai rencontrés dans ma vie et avec qui j'ai vécu plus ou moins longtemps: pour quelles raisons, dans quel but, dans quelle intention ils étaient là et quelle action ils ont eu et comment ils ont fait le travail du Seigneur (Dieu sait, sans le savoir!) pour mener ce corps à la préparation et être prêt à la transformation... C'est ahurissant de perfection dans la conception! C'est merveilleux! Et tellement «inhumain»! contraire à toutes les notions morales, mentales, de sagesse humaine – toutes les choses qui paraissaient les plus folles, les plus absurdes, les plus irrationnelles, les plus déraisonnables et les plus «hostiles», tout cela combiné si mer-veil-leu-se-ment, oh!... pour obliger ce corps à la transformation.

Et avec une vision si claire de pourquoi – pourquoi il n'est pas encore transformé. Oh! il y a du travail à faire...

Mais ce n'est pas seulement une question individuelle.

Mais non! Mais non! oh! c'est interdépendant de tant de choses.

Eh bien, oui!

Ce corps est représentatif; en tant qu'individu, il est représentatif de modes d'être terrestres.

Et j'ai vu très clairement: il y a quelque temps (un an, ou un peu plus), j'avais cru que la pensée et l'attitude et les convictions de certaines personnes [autour de moi] étaient partiellement la cause de certaines difficultés (surtout en ce qui concerne l'âge), mais ce n'est pas vrai! Ce que les gens pensent et ce qu'ils sentent, c'est justement ce qu'il faut pour l'action là-dessus! Tout ça sert à enseigner au corps ce qu'il doit savoir: où est son manque de réceptivité, où est son inertie, où est... Oh! l'esclavage de l'habitude de la vibration! c'est une chose terrible, terrible.

Au point de vue santé, c'est terrible. Et «santé», ça n'existe pas, ça ne veut rien dire; ça ne veut plus rien dire; «maladie», ça ne veut plus rien dire, vraiment ça ne veut plus rien dire: ce sont des déformations de vibration et des déplacements de vibration, et... (comment dire?) des encroûtements – au point de vue du mouvement, c'est comme des embouteillages, et au point de vue de la cellule, c'est comme des encroûtements: c'est ce qui reste de la vieille Inertie dont nous sommes sortis.

Mais c'est double: il y a l'Inertie, d'une part, et d'autre part la perversion vitale – la perversion nerveuse du monde vital, de l'influence vitale. Il n'y a pas seulement l'Inertie: il y a une espèce de mauvaise volonté pervertie. On peut facilement (relativement facilement) le refouler et tout à fait l'éliminer de la vie mentale et vitale conscientes – ce travail que l'on considérait dans le temps comme, oh! une chose formidablement difficile, c'est-à-dire changer la nature d'un individu, c'est facile relativement; tout ce qui dans la nature dépend du vital et du mental, c'est relativement très facile à changer, très facile. Je ne dis pas très facile pour l'homme ordinaire, mais je dis très facile en comparaison du travail dans la Matière, dans ces cellules du corps. Parce que, comme je te le disais la dernière fois, leur bonne volonté est incontestable et leur élan vers le Divin est devenu tout à fait spontané: tout ce qui est conscient est lumineux – mais c'est ce qui n'est pas encore conscient! c'est la masse de tout ce qui n'est pas encore conscient, et qui, alors, est ballotté entre deux influences aussi détestables l'une que l'autre: l'influence de l'Inertie (geste d'aplatissement hébété), de la MASSE qui empêche d'avancer, et l'influence de la perversion et de la mauvaise volonté vitales – c'est celle-là qui rend tout crooked [qui tord tout], elle déforme tout.

Et c'est devenu très subtil, très caché, difficile à dénicher. Quand presque tout était comme cela, c'était visible, c'était facile à voir; mais cet état s'est changé très vite: c'est ce qui est caché en dessous et qui n'est pas assez «volumineux» pour attirer l'attention. Et, oh! ces habitudes, ces habitudes... Par exemple (en le grossissant pour le rendre plus facilement visible), l'habitude de prévoir la catastrophe...

Et tout ce qui dérange l'Inertie est, pour l'Inertie, une catastrophe. Dans le monde, le monde terrestre (c'est le seul dont je puisse parler avec compétence; les autres, je n'ai que des visions d'ensemble), dans le monde terrestre, l'Inertie (qui est à la base de la création et qui était nécessaire pour fixer, pour concrétiser), tout ce qui la dérange est une catastrophe; c'est-à-dire que l'arrivée de la Vie a été une catastrophe monstrueuse, et l'arrivée de l'intelligence dans la Vie, une autre catastrophe monstrueuse, et maintenant l'arrivée du Supramental est une dernière catastrophe! C'est comme cela. Et pour le mental qui n'est pas éclairé, c'est vraiment une catastrophe! Je connais des cas, par exemple, de gens qui sont malades: s'ils suivent la routine du docteur et des remèdes et des soins et de la maladie, ça va; s'ils ont le malheur (!) de faire appel à la Force et que je la mette, plus je la mets, plus ils sont épouvantés! Ils sentent des phénomènes absolument inattendus et ils sont épouvantés: «Qu'est-ce qui m'arrive! qu'est-ce qui m'arrive!», comme si c'était absolument catastrophique. De la minute où la Force vient et où ils en sentent seulement un petit peu comme une goutte, ils se crispent, ils résistent, ils s'affolent, ils deviennent absolument restless [agités]. C'est cela: ils deviennent si agités, si agités! N'est-ce pas, tout le système passe son temps à rejeter-rejeter-rejeter tout ce qui vient.

C'est très intéressant.

Et je l'ai noté aussi, c'était comme cela au début avec le corps: toute vibration inattendue, plus puissante, plus profonde, plus forte, plus VRAIE que la vibration individuelle, tout de suite c'est un affolement dans les cellules: «Ah! qu'est-ce qui va m'arriver!...» Maintenant, Dieu merci, cette période-là est passée, mais il y avait un temps où c'était comme cela.

Alors, tu comprends le chemin qu'il faut faire... Tout ce qui se passe dans le mental, ce sont des jeux d'enfant en comparaison; toutes leurs difficultés mentales, c'est... ça me fait l'effet d'un théâtre – du drame, n'est-ce pas, du drame pour intéresser le public.

Non, je ne sais pas, mais il y a beaucoup-beaucoup de chemin à faire – beaucoup – pour changer ça en une substance assez plastique, assez réceptive, assez forte pour exprimer la Puissance suprême. Beaucoup à faire, beaucoup.

(silence)

Et l'esprit populaire est simpliste, il voit le résultat final comme une expression naturelle et presque spontanée; alors on n'est pas si sûr, on se dit: «Après tout...» Mais ça aussi (Mère sourit), c'est la manière de faire du Suprême – je vois bien.1

*
*   *

(Peu après, à propos de la musique composée par Sunil sur le thème de «L'Heure de Dieu»:)

Ça commence par quelque chose qu'il appelle «aspiration», oh! c'est beau... J'ai rarement entendu quelque chose d'aussi pur et d'aussi beau comme inspiration. Tout d'un coup, le «son» vient, qui est justement le son qu'on entend là-haut. Et ce n'est pas trop mélangé (ce que je reproche à toute la musique classique, c'est qu'il y a tout l'accompagnement pour «faire étoffe», qui gâte la pureté de l'inspiration: pour moi, c'est du remplissage), eh bien, chez Sunil, le remplissage n'est pas là. Il n'a pas la prétention de faire de la musique, n'est-ce pas, et le remplissage n'est pas là, alors c'est vraiment beau.

J'ai décidé de ne pas jouer cette année pour le premier janvier. Déjà l'année dernière, j'avais beaucoup hésité à jouer parce que j'étais absolument consciente de l'insuffisance – de la pauvreté et de l'insuffisance – de l'instrument physique; mais il y avait une espèce de sagesse raisonnable qui savait comment serait interprété (par les disciples) un refus de jouer, et j'ai joué – sans satisfaction, et ce n'était pas fameux. Mais cette musique que j'ai entendue hier, c'était tellement ÇA! tellement ce que je voudrais jouer, que je me suis dit: «Eh bien, maintenant, il serait déraisonnable de vouloir garder dans une manifestation personnelle quelque chose qui a un moyen d'expression bien meilleur [: Sunil].» Donc j'ai décidé de dire «Non» pour le premier janvier. Mais je vais voir si Sunil ne pourrait pas préparer quelque chose sur le thème du message de cette année, quelque chose qui serait enregistré et qu'on jouerait pour tout le monde, d'une façon anonyme – on n'a pas besoin de dire: «C'est celui-ci ou celui-là», c'est de la musique, voilà.

Tu sais que l'on imprime deux calendriers, un ici et un à Calcutta; sur celui de Calcutta, j'ai l'air contente et je salue les mains jointes; alors j'ai écrit dessous: «Salut à Toi, Vérité.» En anglais (ils sont un peu lents, tu sais!), ils ont voulu quelque chose de plus «explicite», alors j'ai écrit: «The salute to the advent of the Truth» [salut à l'avènement de la Vérité]. Je vais donner le sujet à Sunil: «Fais de la musique là-dessus.»

Mais c'est quand même dommage que tu quittes la musique.

Mon petit, il faudrait que je joue avec deux ou trois personnes là qui aient une aspiration – une aspiration consciente et confiante – vers le Son. Par exemple, quand je jouais pour toi et Sujata, c'était beaucoup mieux. Si je suis tout à fait seule, ça pourrait être bien... et encore, si je suis tout à fait seule, je risque de m'en aller ailleurs (ce qui m'arrive facilement)! Mais si je suis avec quelqu'un qui est ennuyé ou qui n'a aucune confiance, ou qui s'embête comme un rat mort (en admettant que les rats s'embêtent en mourant!) ou qui se demande quand ça va être fini, ou bien qui commence à critiquer: «Qu'est-ce que ça veut dire, cette musique, c'est incompréhensible», alors...

Oui, ce n'est pas favorable.

L'atmosphère n'est pas favorable, et ça ne vient pas. Voilà tout.

Ou bien, je commence à penser: «Il y a combien de temps que je joue? Peut-être vaudrait-il mieux finir?...»

Comment est-ce que ça peut venir dans des conditions pareilles?

Mais ce serait dommage que tu abandonnes d'une façon absolue.

Je n'ai pas l'occasion de jouer. De temps en temps, ça m'amuserait, et je ne peux pas. J'aimerais, oui, j'aimerais pouvoir, de temps en temps, être là et laisser les mains aller... conduites par quelque chose d'autre que la conscience ordinaire. Mais pour cela, il faudrait que j'aie du temps. Il faudrait du temps. Et puis ne pas être prise dans les rouages d'une vie réglée.

Mais c'est évident, la musique sur commande, ce n'est guère indiqué!

Mais RIEN sur commande, mon petit!

C'est comme ces messages que l'on me demande à tout bout de champ: «Envoyez-moi un message.» C'est cela: on met les deux sous dans la boîte, et puis ça doit sortir! «Je n'ai rien pour la première page de ma revue, envoyez-moi un message», ou bien: «Ma fille se marie, envoyez-moi un message», ou bien: «C'est l'anniversaire de l'ouverture de mon école, envoyez-moi un message.» C'est à la cadence de trois et quatre par jour... Du coup, j'ai écrit une note l'autre jour; j'ai vu l'image de ces boîtes à musique, tu sais, on mettait deux sous, et puis la musique sortait; alors j'ai dit: «Pour les hommes ordinaires, le sage est comme une boîte à musique de la Sagesse: il suffit de mettre deux sous de question et automatiquement la réponse sort.» Parce que, vraiment, c'est devenu ridicule: «Nous emménageons dans une nouvelle maison, envoyez-nous un message»...

Mais pourquoi te laisses-tu accabler? Tu ne devrais pas envoyer de message!

Mais je ne réponds que quand ça vient. Quand ça ne vient pas, je dis non.

Mais c'est l'esprit qui est là.2

Et je suis obligée de garder des heures régulières parce que toute la vie des autres en dépend. C'était pour cela que les gens voulaient se retirer dans la solitude – il y a un avantage et un inconvénient; l'avantage, c'est que j'essaie que ce soit très automatique, c'est-à-dire très en dehors d'une volonté consciente: que les choses se fassent d'elles-mêmes. Au point de vue mental, c'est très facile, on peut se détacher tout à fait et ça n'a pas d'importance; mais pour le corps, c'est difficile, parce que son rythme... Tout le rythme de la vie ordinaire est un rythme mentalisé; les gens qui vivent dans la liberté vitale sont en désaccord avec toute l'organisation sociale – c'est une vie mentalisée: il y a des pendules qui sonnent et il est entendu que ce doit être comme cela... Mentalement, on peut être tout à fait libre: on laisse son corps dans l'engrenage et on ne s'en occupe plus; mais quand c'est ce pauvre corps lui-même qui doit trouver son propre rythme, comme c'est difficile!... Comme c'est difficile. Quelquefois, tout d'un coup, il sent un malaise; alors je regarde et je vois qu'il y a quelque chose qui serait une expérience, mais qui nécessiterait certaines conditions d'isolement, de tranquillité et d'indépendance, et ce n'est pas possible. Alors, bien... autant que je peux, je rentre au-dedans et je fais le minimum (le maximum de ce qui est possible, qui est un minimum par rapport à ce qui pourrait être fait).

Mais ça, n'est-ce pas, Sri Aurobindo l'a toujours dit: «Pour que l'Œuvre soit complète, elle doit être générale» – on ne peut pas abandonner. Une tentative individuelle n'est qu'une tentative tout à fait partielle. Mais le fait que l'Œuvre soit générale retarde considérablement les résultats – eh bien, il faut en prendre son parti. C'est comme cela, c'est comme cela.

(silence)

Et si l'action était individuelle, elle serait forcément extrêmement appauvrie, limitée; même si l'individu est très vaste et que sa conscience soit large comme la terre, l'expérience est limitée; c'est tout de même un agglomérat de cellules qui ne peut avoir qu'une somme limitée d'expériences (peut-être pas dans le déroulement du temps, mais dans l'espace ici, c'est incontestable). Mais de la minute où se produit l'identification avec le reste, les conséquences se produisent aussi: les difficultés du reste viennent et sont à absorber, et elles doivent être transformées. Alors ça revient au même. C'est exactement ce qui se passe maintenant: je ne sors pas, j'ai limité mes activités autant que possible (je vois beaucoup de gens, mais tout de même infiniment moins qu'avant – avant, je les voyais par milliers), mais cette diminution est largement compensée par l'élargissement de la conscience physique, matérielle, au point que tout le temps, tout le temps, tout le temps j'ai des sensations, qui ont l'air d'être des sensations individuelles, mais tout de suite je vois bien que ce sont des sensations d'autres individus, qui viennent, parce que la conscience est répandue et qu'elle reçoit tout ça dans son mouvement: un mouvement comme si l'on rassemblait tout, puis on le donne au Seigneur.

(silence)

Onze heures dix! Oh! tu vois (riant), l'heure qui nous rappelle.

Et toi?... Je demande, mais je sais – ce n'est pas que je ne sache pas, mais je voudrais que tu me le dises.

Physiquement?... Les ennuis recommencent. Le corps aussi n'est pas brillant.

Ces nouveaux dentistes seront bientôt installés et tu pourras aller les voir. Naturellement, ça appartient encore aux vieux moyens, mais il ne faut pas faire les flambards, tu sais! il ne faut pas croire que l'on est arrivé avant d'être au bout. Les gens qui m'écrivent: «Oh! je ne compte que sur votre Force, je ne veux pas de remèdes», je leur réponds: «Vous avez tort.» Parce que, moi aussi, je prends des remèdes – et je n'y crois pas! Mais je les prends tout de même, parce qu'il y a toute la vieille suggestion et la vieille habitude et que je veux donner à mon corps les meilleures conditions possibles... Mais c'est tout à fait amusant: tant qu'on lui donne le remède, il se tient bien tranquille, et si on ne le lui donne pas, il commence à dire: «Pourquoi? Qu'est-ce qui se passe?» Et pourtant, quand le remède est là, ça ne fait aucun effet, ça n'intervient pas; c'est seulement... c'est seulement une habitude.

Sans compter les cas où ça devient pire. Par exemple, justement pour ces ennuis de dents, le docteur voulait me donner de ces pastilles de pénicilline qu'on laisse fondre dans la bouche pour empêcher l'inflammation; quand je prends une de ces pastilles (riant), c'est une rage furieuse dans toutes mes dents! comme si tous les éléments attaqués étaient furieux: «Pourquoi nous dérangez-vous, nous sommes bien tranquilles, nous ne vous ennuyons pas!» Et tout commence à gonfler furieusement.

C'est amusant de suivre consciemment, c'est très amusant! Et on voit: maladies, remèdes, tout ça, ça fait partie de l'ancienne comédie.

Mais il faut continuer à jouer, parce qu'il y a des gens qui prennent ça sérieusement! Ils VEULENT (c'est l'habitude), ils veulent que l'on continue à jouer: «Continuez à jouer, ne faites pas les flambards, vous ne savez pas encore – vous ne savez pas encore nous guérir ou nous transformer.» C'est vrai, je ne peux pas dire, je ne sais pas encore comment les transformer, par conséquent... Il ne faut pas avoir de l'orgueil, c'est très mauvais.

On verra.

L'enregistrement du son fait par Satprem    

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1 La suite de l'enregistrement reprend plus loin. Le début du passage suivant n'a pas été conservé.

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2 L'enregistrement reprend ici.

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