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Mère

Commentaires sur Le Dhammapada

Tape records

 

Le sage

Que l’on recherche la compagnie du sage qui nous montre nos défauts, comme s’il nous montrait un trésor caché; mieux vaut cultiver les relations avec un tel homme car il ne peut nous être nuisible, bien au contraire.

Celui qui nous exhorte au bien et qui nous dissuade de faire le mal est apprécié de l’homme droit et détesté de l’homme sournois.

Il ne convient pas de rechercher la compagnie ou l’amitié d’hommes au vil caractère, mais frayons avec les hommes de bien et recherchons l’amitié des meilleurs parmi les hommes.

Celui qui boit directement à la source de la Doctrine1 vit heureux dans la sérénité de l’esprit. Le sage se réjouit toujours de la Doctrine qu’enseignent les nobles disciples du Bouddha.

Les constructeurs d’aqueducs conduisent l’eau où besoin est; celui qui fabrique les flèches les redresse; les charpentiers tournent le bois; le sage se contrôle lui-même.

Pas plus que le rocher ne peut être ébranlé par le vent, de même le sage ne peut être sensible au blâme ou aux louanges.

Le sage, après qu’il s’est pénétré de la Doctrine, devient parfaitement paisible comme un lac profond, calme et clair.

Quel que soit le lieu où il se trouve, le vrai sage renonce à tout plaisir. Ni peine ni joie ne peuvent l’affecter.

Ni pour son propre compte, ni pour celui d’autrui, le sage ne désire enfants, fortune, royaume. Il ne fonde pas sa propre réussite avec des moyens malhonnêtes. Un tel homme est vertueux, sage et juste.

Peu nombreux sont les hommes qui passent sur l’autre rive. Ceux qui demeurent, la majorité, ne font qu’aller et venir le long de ce rivage.

Mais ceux qui vivent selon la Doctrine franchissent le domaine de la mort, quelle que soit la difficulté du passage.

Le sage abandonnera les voies obscures de l’existence mais poursuivra la voie lumineuse. Il quittera son foyer pour la vie sans foyer, et dans la solitude recherchera la joie qu’il est si difficile de trouver.

Ayant renoncé à tous désirs et attachements sensuels, le sage se lavera de toutes les souillures du mental.

Celui dont le mental est bien entraîné à tous les degrés du savoir (discernement de la vérité, énergie, allégresse du vrai, sérénité, méditation, égalité d’âme), qui, détaché de toutes choses, se complaît dans son renoncement et dont les appétits ont été subjugués, est radieux et, en ce monde même, atteint le Nirvâna.

Il y a ici une phrase qui est particulièrement heureuse, justement la première que nous avons lue: «Que l’on recherche la compagnie du sage qui nous montre nos défauts, comme s’il nous montrait un trésor caché.»

Dans toutes les Écritures destinées à faire progresser les hommes, il est toujours dit qu’il faut être très reconnaissant à ceux qui vous montrent vos défauts, et qu’il faut rechercher leur compagnie; mais la forme employée ici est particulièrement heureuse: si l’on vous montre un défaut, c’est comme si l’on vous faisait voir un trésor — c’est-à-dire que chaque fois que l’on découvre en soi des fautes, des incapacités, des manques de compréhension, des faiblesses, des insincérités, tout ce qui empêche de progresser, c’est comme si l’on découvrait un trésor merveilleux.

Au lieu de s’attrister et de se dire: «Oh! voilà encore un défaut», on devrait au contraire se réjouir comme d’une acquisition merveilleuse, parce que l’on vient de saisir une des choses qui empêchait de progresser; et une fois que vous l’avez saisie, arrachez-la! Car ceux qui pratiquent une discipline yoguique considèrent que de la minute où l’on sait qu’une chose ne doit pas être, on a le pouvoir de la déplacer, de l’écarter, de la détruire.

Découvrir un défaut est une acquisition: c’est comme s’il y avait un flot de lumière qui entrait à la place du petit bout d’obscurité que l’on vient de chasser.

Quand on suit une discipline yoguique, on n’admet pas cette faiblesse, cette veulerie, ce manque de volonté, qui fait que la connaissance n’est pas immédiatement suivie du pouvoir. Savoir qu’une chose ne doit pas être et continuer à la laisser être est un tel signe de faiblesse que dans toute discipline sérieuse on ne l’admet pas; c’est un manque de volonté qui va jusqu’à l’insincérité. Vous savez qu’une chose ne doit pas être, et du moment où vous le savez, vous êtes le maître qu’elle ne soit pas, car connaissance et pouvoir sont essentiellement la même chose — c’est-à-dire que l’on ne doit pas accepter qu’il y ait quelque part dans l’être cette ombre de mauvaise volonté qui est en contradiction avec la volonté centrale de progrès, et qui vous rend impuissant, sans courage et sans force en face d’un mal que vous devez détruire.

Pécher par ignorance n’est pas un péché, cela fait partie du mal général du monde tel qu’il est, mais pécher quand on sait, c’est grave. Cela veut dire qu’il y a, caché quelque part, comme un ver dans le fruit, un élément de mauvaise volonté qu’il faut pourchasser et détruire à tout prix, parce que toute faiblesse sur un point de ce genre est la source de difficultés qui sont quelquefois, plus tard, irréparables.

Donc, la première chose est d’être parfaitement heureux quand quelqu’un ou une circonstance quelconque, vous met en présence consciente d’un défaut qui est en vous et que vous ne connaissiez pas. Au lieu de vous lamenter, il faut vous réjouir et, dans cette joie, trouver la force de vous débarrasser de ce qui ne doit pas être.

21 mars 1958

 

1 Dhamma.

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