Mère
Entretiens
Le 11 décembre 1957
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«Même si l’on découvrait par la suite que dans certaines conditions chimiques ou autres, la vie fait son apparition, tout ce que cette coïncidence établirait, c’est que dans certaines circonstances physiques la vie se manifeste, non pas que certaines conditions chimiques suffisent à constituer la vie, sont ses éléments, ou la cause évolutive d’une transformation de la matière inanimée en matière animée. Ici comme ailleurs, chaque degré d’être existe en lui-même et par lui-même, se manifeste selon son propre caractère, par sa propre énergie, et les niveaux au-dessus ou au-dessous ne sont pas des origines ou des conséquences, mais seulement d’autres degrés dans l’échelle continue de la nature terrestre.» (L’Évolution spirituelle, p. 7)
Douce Mère, comment le premier homme est-il apparu?
Sri Aurobindo dit là, justement1, que, si l’on se place au point de vue scientifique, les théories se succèdent avec une grande instabilité et ressemblent plus à des sortes d’imaginations successives qu’à des choses qui puissent se prouver (si l’on se place au point de vue purement matériel). On croit, parce que c’est un point de vue matériel, que c’est le plus facile à prouver, mais de toute évidence c’est le plus difficile. Si l’on se place à un point de vue occulte, il y a eu des traditions, basées peut-être sur des souvenirs, mais comme c’est tout à fait au-delà de toute preuve matérielle, c’est une connaissance qui est considérée comme encore plus problématique que les imaginations scientifiques et les déductions scientifiques. Pour toute logique intérieure, c’est plus facile à comprendre et à admettre, mais on n’a pas plus de preuves que l’on n’a de preuves matérielles qu’il y ait eu un premier homme ou qu’il y ait eu plusieurs premiers hommes, ou qu’il y ait eu quelque chose qui n’était pas encore un homme et presque un homme. Ce sont des spéculations.
Les traditions — qui naturellement ne sont que des traditions orales et qui, au point de vue scientifique, sont tout à fait douteuses, mais qui sont basées sur des souvenirs individuels — disent que le premier homme, ou la première paire humaine, ou les premiers individus humains ont été matérialisés selon une méthode occulte, un peu comme ce que Sri Aurobindo annonce pour le procédé supramental futur, c’est-à-dire que des êtres appartenant à des mondes supérieurs, par un procédé de concentration et de matérialisation, se sont construit ou formé un corps de matière physique. Ce ne seraient pas les espèces inférieures qui progressivement auraient produit un corps qui a été le premier corps humain.
Selon la connaissance spirituelle ou occulte, c’est la conscience qui précède la forme, c’est la conscience qui, en se concentrant, produit sa forme; tandis que, selon l’idée matérialiste, c’est la forme qui précède la conscience et qui permet à cette conscience de se manifester. Pour ceux qui ont une connaissance des mondes invisibles et la perception directe du jeu des forces, il n’y a aucun doute possible: c’est nécessairement la conscience qui produit une forme pour se manifester. Maintenant, de la manière dont les choses sont établies sur la Terre, c’est très certainement une conscience d’ordre supérieur qui pénètre dans une forme et qui aide à la transformer pour que cette forme devienne — ou immédiatement ou par une suite de générations — capable de la manifester. Pour ceux qui ont la vision et la connaissance intérieure, cela ne fait absolument aucun doute. Il est impossible qu’il en soit autrement. Mais ceux qui prennent les choses par l’autre bout, par en bas, ne l’admettent pas — mais ce n’est tout de même pas l’ignorance qui doit dicter la connaissance à la sagesse! C’est pourtant ce qu’elle fait actuellement. Comme il est plus facile de douter que de savoir, la mentalité humaine est habituée à douter de toutes choses, c’est son premier mouvement, et naturellement c’est comme cela qu’elle ne sait rien.
La conception précède la manifestation et l’expression, c’est tout à fait sûr. Et tous ceux qui ont eu un contact direct avec le passé ont eu le souvenir d’une sorte de prototype humain, très supérieur à l’humanité actuelle, qui est venu sur la Terre comme un exemple et une promesse de ce que serait l’humanité quand elle aurait atteint son apogée.
(silence)
Il y a, dans la vie, une certaine tendance à l’imitation, une sorte d’effort pour copier «quelque chose». On en trouve des exemples très frappants dans la vie animale — même déjà, cela commence dans la vie végétale, mais dans la vie animale, c’est très frappant. On pourrait donner des exemples nombreux. Et alors, dans ce sens-là, on pourrait très bien concevoir une sorte d’effort de la vie animale pour essayer de copier, d’imiter, de créer une ressemblance avec ce type idéal qui se serait manifesté par des moyens occultes sur la Terre, et ce serait par des tentatives successives, par un effort de plus en plus réussi, que les premiers types humains auraient été produits.
1 «... si les faits dont s’occupe la science sont dignes de confiance, les généralisations qu’elle hasarde ont la vie courte. Elle les retient pendant quelques dizaines d’années, ou quelques siècles, puis elle passe à d’autres généralisations, à d’autres théories. C’est ce qui se passe même dans les sciences physiques, où les faits peuvent être solidement constatés et vérifiés par l’expérience.» (Ibid., p. 6)