Mère
Entretiens
Le 1er mai 1957
This text will be replaced |
«Quand nous admettons dans la vie de l’Ashram, une activité comme les sports et les exercices physiques, il est évident que les méthodes et les premiers objectifs à atteindre doivent appartenir à ce que nous avons appelé l’extrémité inférieure de l’être. À l’origine, ils ont été introduits en vue de l’éducation physique et du développement corporel des enfants de l’École de l’Ashram, et ceux-ci sont trop jeunes pour qu’un but ou une pratique purement spirituelle entre dans leurs activités; [...] Cependant, au sein même de ces frontières humaines, on peut parvenir à quelque chose de très considérable et même parfois immense; ce que nous appelons génie fait partie du développement des régions humaines de l’être, et ses réalisations, particulièrement dans le domaine de la pensée et de la volonté, peuvent nous conduire à mi-chemin du Divin. Il faut considérer comme faisant partie de notre conception de la perfection totale, tout ce que le mental et la volonté peuvent obtenir du corps dans le domaine propre au corps et à sa vie. [...] Le corps est une création de l’Inconscient et il est lui-même inconscient, ou en tout cas subconscient dans certaines de ses parties et dans la plupart de ses opérations cachées; mais ce que nous appelons Inconscient, est une apparence, c’est la demeure ou l’instrument d’une Conscience secrète ou d’un Supraconscient qui a créé le miracle que nous appelons l’univers. La Matière est le champ d’action et la création de l’Inconscient, et la perfection des opérations de la Matière inconsciente, leur adaptation parfaite des moyens à un dessein et à une fin, les merveilles qu’elles accomplissent et les splendeurs de beauté qu’elles créent, témoignent, en dépit de tous les démentis ignorants que nous pouvons opposer, de la présence et du pouvoir de conscience de cette Supraconscience dans chaque partie et chaque mouvement de l’univers matériel. Elle est là dans le corps, c’est elle qui l’a fait, et son émergence dans notre conscience est le but secret de l’évolution et la clef du mystère de notre existence.» (La Manifestation Supramentale, chap. I)
Mère, est-ce que les compétitions sportives sont essentielles à notre progrès?
Au point de vue de l’éducation morale, elles sont assez essentielles, parce que, si l’on peut y prendre part avec le véritable esprit, c’est une très bonne occasion de maîtriser son ego. Si on le fait sans essayer de surmonter ses faiblesses et ses mouvements inférieurs, évidemment on ne sait pas en profiter, et cela ne fait pas de bien; mais si on a la volonté de jouer dans l’esprit véritable, sans aucun mouvement d’ordre inférieur, sans jalousie, sans ambition, et en gardant une attitude que l’on pourrait appeler de «correction sportive», c’est-à-dire faire de son mieux et ne pas se soucier du résultat; si l’on peut faire le maximum d’effort sans être troublé parce que l’on n’a pas rencontré le succès ou que les choses n’ont pas tourné en notre faveur, alors c’est très utile. On peut sortir de toutes ces compétitions avec une plus grande maîtrise de soi et un détachement des résultats qui aide beaucoup à la formation d’un caractère exceptionnel. Naturellement, si on le fait de la manière ordinaire et avec toutes les réactions et les vilains mouvements ordinaires, cela n’aide à rien du tout; mais cela, quoi que l’on fasse c’est la même chose; que ce soit dans le domaine des sports ou dans le domaine intellectuel, n’importe quel domaine, si l’on agit de la façon ordinaire, eh bien, on perd son temps. Mais si, en jouant et en prenant part à des tournois et à des compétitions, on garde le véritable esprit, c’est une très bonne éducation, parce que cela vous oblige à faire un effort spécial et à dépasser un peu vos limites ordinaires. C’est certainement une occasion de rendre conscients beaucoup de mouvements qui, autrement, resteraient toujours inconscients.
Mais naturellement, il ne faut pas oublier que ce doit être une occasion et un moyen de progrès. Si on se laisse aller à jouer d’une façon tout à fait ordinaire, on perd son temps; mais pour tout c’est la même chose, pas seulement pour cela: pour les études et pour n’importe quoi. Tout dépend toujours de la manière dont on fait les choses; pas tant de ce que l’on fait, mais de l’esprit dans lequel on le fait.
Si vous étiez tous des yogis, et que chaque chose que vous faites vous la fassiez avec le maximum de votre effort et de vos possibilités, aussi bien que vous pouvez le faire et toujours avec l’idée de le faire mieux encore, alors, évidemment, il n’y aurait pas besoin de concours, de prix, de récompenses, mais, comme Sri Aurobindo l’écrit, on ne peut pas demander à de petits enfants d’être des yogis, et pendant la période de préparation, il faut un stimulant pour que la conscience la plus matérielle fasse un effort de progrès... Et cette période enfantine peut durer pendant de nombreuses années!
L’idéal serait justement ce que j’ai écrit dans le dernier Bulletin; je ne sais pas si vous l’avez lu, mais j’ai écrit quelque chose comme cela:
N’ambitionne jamais rien, surtout ne prétends jamais rien, mais sois à chaque instant le maximum de ce que tu peux être.
C’est la condition idéale dans la vie intégrale — quoi que l’on fasse. Et si l’on réalise cela, eh bien, on est certainement très loin sur le chemin de la perfection... Mais il est évident qu’il faut une certaine maturité intérieure pour pouvoir le faire en toute sincérité. On peut garder cela comme un programme.
Si vous voulez, nous allons prendre cela comme sujet de méditation.