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Mère

Entretiens

 

Le 6 mars 1957

L'enregistrement   

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Mon oeil m’empêche de vous lire1. Mais on m’a posé une question sur ce que je vous ai lu la semaine dernière. Je vais y répondre ce soir. Pavitra, voulez-vous lire?

(Pavitra lit) Que signifie ce paragraphe: «La liberté est la loi de l’être en son unité illimitable, le maître secret de la Nature tout entière. La servitude est la loi de l’amour en l’être qui se donne volontairement pour servir le jeu de ses autres “moi” dans la multiplicité.»? (Aperçus et Pensées, «Les Chaînes»)

Pour un regard superficiel, ces deux choses paraissent absolument contradictoires et incompatibles. Extérieurement, on ne conçoit pas que l’on puisse être à la fois dans la liberté et dans la servitude, mais il y a une attitude qui concilie les deux et en fait l’un des états les plus heureux de l’existence matérielle.

La liberté est une sorte de besoin instinctif, une nécessité pour le développement intégral de l’être. Dans son essence, c’est une réalisation parfaite de la conscience la plus haute, c’est l’expression de l’Unité et de l’union avec le Divin, c’est le sens même de l’Origine et de l’accomplissement. Mais parce que cette Unité s’est manifestée dans la multitude (dans la multiplicité), quelque chose devait servir de lien entre l’Origine et la manifestation, et le lien le plus parfait que l’on puisse concevoir, c’est l’amour. Et quel est le premier geste de l’amour? Se donner, servir. Quel est le mouvement spontané, immédiat, inévitable? Servir. Servir dans un don joyeux, complet, total.

Ainsi, dans leur pureté, dans leur vérité, ces deux choses — liberté et service —, loin d’être contradictoires, sont complémentaires. C’est dans l’union parfaite avec la suprême Réalité que se trouve la liberté parfaite, puisque toute ignorance, toute inconscience sont des esclavages, vous rendent impuissants, limités, incapables. Dès qu’on a la moindre ignorance en soi, c’est une limitation, on n’est plus libre. Tant qu’il y a un élément d’inconscience dans l’être, c’est une limitation, un esclavage. C’est seulement dans l’union parfaite avec la suprême Réalité que peut être la liberté parfaite. Et comment réaliser cette union si ce n’est par un don de soi spontané: le don de l’amour. Et comme je le disais, le premier geste, la première expression de l’amour, c’est le service.

Ainsi les deux sont étroitement unis dans la Vérité. Mais ici, sur la terre, dans ce monde d’ignorance et d’inconscience, ce service, qui devait être spontané, plein d’amour, l’expression même de l’amour, est devenu une chose imposée, une nécessité inévitable, seulement faite pour le maintien de la vie, pour la continuation de l’existence, et ainsi il est devenu une chose laide, misérable — humiliante. Ce qui devait être un épanouissement, une joie, est devenu une laideur, une fatigue, une obligation sordide. Et ce sens, ce besoin de la liberté s’est déformé aussi et est devenu cette espèce de soif d’indépendance qui conduit tout droit à la révolte, à la séparation, à l’isolement, qui est le contraire de la liberté véritable.

L’indépendance!... Je me souviens d’avoir entendu d’un vieux sage occultiste une belle réponse à quelqu’un qui disait: «Je veux être indépendant! Je suis un être indépendant! Je n’existe que quand je suis indépendant!» Et l’autre lui a répondu avec un sourire: «Alors, cela veut dire que vous ne serez aimé de personne, parce que, si l’on vous aime, vous devenez immédiatement dépendant de cet amour.»

C’est une belle réponse, parce que c’est justement l’amour qui conduit à l’Unité et que c’est l’Unité qui est l’expression vraie de la liberté. Et ainsi, ceux qui, au nom de leur droit à la liberté, réclament l’indépendance, tournent le dos complètement à cette vraie liberté, parce qu’ils renient l’amour.

La déformation vient de la contrainte.

On ne peut pas aimer par force. On ne peut pas vous contraindre à aimer, ce n’est plus de l’amour. Par conséquent, dès que la force intervient, c’est un mensonge. Il faut que tous les mouvements de l’être intérieur soient des mouvements spontanés, de cette spontanéité qui vient d’un accord intérieur, d’une compréhension — d’un don de soi volontaire —, d’un retour vers la vérité profonde, la réalité de l’être, l’Origine et le But.

 

1 Le 27 février, il n’y a pas eu d’Entretien, mais une lecture suivie d’une méditation. Depuis le dernier Darshan, Mère a une légère hémorragie à l’oeil gauche.

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