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Mère

Entretiens

 

Le 9 mai 1956

L'enregistrement   

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Douce Mère, où est-ce que commence notre vraie vie spirituelle?

La vraie vie spirituelle commence quand on est en communion avec le Divin dans le psychique, quand on est conscient de la Présence divine dans le psychique et que l’on est en constante communion avec le psychique. Alors la vie spirituelle commence, mais pas avant. La vraie vie spirituelle.

Quand on est uni à son être psychique et conscient de la Présence divine, et que l’on reçoit l’impulsion de ses actes de cette Présence divine, et que la volonté est devenue une collaboratrice consciente de la Volonté divine, c’est le point de départ.

Avant cela, on peut être un aspirant à la vie spirituelle, mais on n’a pas de vie spirituelle.

Douce Mère, je voudrais l’explication d’une phrase. Sri Aurobindo a dit quelque part: «Matériellement vous n’êtes rien, mais spirituellement vous êtes tout.»

Cela veut dire que c’est l’Esprit, la conscience spirituelle et la Présence divine qui donnent toute la valeur à la vie, que, sans cette conscience spirituelle et cette Présence divine, la vie n’a aucune valeur.

De même dans l’individu, quelles que soient ses capacités matérielles et les conditions matérielles dans lesquelles il vit, il n’a de valeur que celle de la Présence divine en lui et de la conscience spirituelle en lui.

Ce qui fait qu’au point de vue de la vérité des choses, un homme qui ne possède rien matériellement et qui n’a pas de capacités ni de possibilités remarquables, mais qui est conscient de son être psychique et qui est uni au Divin en lui est infiniment plus grand qu’un souverain sur la terre, ou qu’un milliardaire qui possède une puissance matérielle considérable, mais qui est inconscient de son être psychique.

Au point de vue de la vérité, c’est comme cela. C’est cela que Sri Aurobindo veut dire: toutes les choses apparentes et extérieures n’ont aucune valeur véritable. La seule chose qui ait une valeur, c’est la Conscience divine et l’union avec l’Esprit.

Mère, d’après ce que vous avez dit la dernière fois, il reste encore la question de ceux qui ne sont pas ouverts consciemment à la nouvelle Force. Alors, comment seront-ils influencés? Est-ce par la Force spirituelle et non par la Force supramentale?

Quoi, quoi, quoi?

Quelle différence faites-vous entre la Force spirituelle et la Force supramentale?

Non... mais vous avez dit que ceux qui n’ont rien fait ou qui ne se sont pas donnés, comment espéreraient-ils être influencés ou profiter de cette Force? Ceux qui sont ici, qui ne sont pas consciemment ouverts, est-ce qu’ils seront aussi influencés?

Influencés, oui.

Ils seront aidés également?

Mais s’ils ne tiennent pas à être aidés! Vous voulez les aider en dépit d’eux-mêmes?

Si l’on aspire, que l’on désire l’aide, même si l’ouverture est toute petite, il y a nécessairement une ouverture. Mais si l’on ne désire pas être aidé... Ou plutôt, je pourrais dire qu’il y a des gens qui sont persuadés qu’ils n’ont pas besoin d’être aidés, qu’ils s’aident eux-mêmes tout à fait suffisamment, qu’ils n’ont besoin d’aucune aide, que c’est eux qui font le travail, que c’est eux qui font les progrès, que c’est eux qui font tout. Alors, ils ne veulent pas être aidés, ils n’en sentent aucun besoin. Pourquoi voulez-vous qu’ils soient aidés puisqu’ils n’y tiennent pas!

Mais vous avez dit que ceux qui sont même aveugles seront obligés de réaliser.

J’ai dit que ce sera visible pour ceux mêmes qui sont de mauvaise volonté — est-ce cela que vous voulez dire? Mais c’est tout à fait différent. Quand vous recevez un coup de poing sur le nez, vous pouvez être obligé de reconnaître quelque chose sans que cela vous ait aidé!

Non, quand on reconnaît cette Force...

Oui.

On est forcément ouvert...

Oui.

Alors, même celui qui n’a pas voulu être aidé jusqu’ici, il le voudra.

Reconnaître cette Force? Oh! quand il a reçu le coup de poing! (rires)

Peut-être. Cela peut arriver. Tout arrive.

Donc, même celui qui est ici inconscient, le coup le rendra ouvert.

Et puis? Quelle est votre conclusion? Qu’est-ce que vous attendez qu’il se produise?

C’est-à-dire qu’il verra que c’est un miracle.

Qu’il a reçu un coup de poing! (rires)

Il n’appellera pas cela un miracle, il appellera cela une mauvaise action. Il dira: «C’est une malchance, c’est mon mauvais destin, c’est une injustice dans le monde», il dira n’importe quoi, comme ils ont l’habitude de dire.

Mais ce que je n’ai pas encore saisi, c’est le but de votre question. À quoi tendez-vous? Vous voulez dire que le monde tout entier, qu’il le veuille ou qu’il ne le veuille pas, qu’il aspire ou qu’il n’aspire pas, qu’il reconnaisse ou qu’il ne reconnaisse pas, subira tôt ou tard l’effet de la présence supramentale dans le monde — c’est cela que vous voulez dire?

Non.

Ah! c’est dommage, parce que cela avait un sens. (rires) Et je vous aurais répondu «oui» — et puis cela aurait été fini!

Ceux qui sont à moitié ouverts...

Ils recevront moitié plus que ceux qui ne sont pas ouverts du tout! (rires)

Cette manifestation les rendra plus aspirants?

Ah! ça, je ne sais pas. Cela doit dépendre des cas. Pour chacun ce sera différent.

C’est pour vous que vous plaidez?

Oui.

Oh! Oh! C’est pour savoir ce qui vous arrivera à vous?

Soyez tranquille, ce sera très bien. Je pourrais presque dire comme pour l’étendard de Jeanne d’Arc: «Vous avez été à la peine, vous serez à l’honneur.» Voilà, vous êtes satisfait?

Oui.