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Mère

Entretiens

 

Le 25 janvier 1956

L'enregistrement   

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«La vie, et non quelque Au-delà lointain, silencieux et hautement extatique, la vie seule est le champ de notre yoga. L’objet central de ce yoga est de transformer notre manière humaine superficielle, étroite et fragmentaire de penser, de voir, de sentir et d’être, en une conscience spirituelle vaste et profonde, en une existence intérieure et extérieure intégrée, et notre vie humaine ordinaire, en une divine manière de vivre.» (La Synthèse des Yogas, vol. I, p. 97)

Douce Mère, est-ce seulement quand le Supramental descendra que la «divine manière de vivre» s’établira dans le monde?

Je pense que oui. Cela n’a pas l’air de pouvoir se faire autrement. Mais c’est une question toute relative. Peut-être que la manière de vivre pourra devenir un peu plus divine sans devenir tout à fait divine.

Qu’est-ce que tu veux dire par «divine manière de vivre»?

Nous appelons toujours Divin tout ce que nous ne sommes pas et que nous voulons être. Tout ce qui nous paraît infiniment supérieur, non seulement à tout ce que nous avons fait, mais à tout ce qu’il nous semble que nous pouvons faire; tout ce qui dépasse à la fois notre conception et notre possibilité présentes, nous l’appelons Divin.

Je dis cela non pas pour faire une plaisanterie, mais parce que je suis tout à fait convaincue que, si l’on remonte à quelques milliers d’années, quand on parlait de Divin (si jamais on parlait de Divin, ce que je pense), on parlait peut-être d’un état analogue à celui des divinités de l’Overmind, du Surmental; et maintenant, cette manière d’être des divinités du Surmental, qui ont évidemment gouverné la terre et formé beaucoup de choses sur la terre depuis très longtemps, nous paraît très inférieure à ce que nous concevons comme Supramental. Et ce Supramental, que justement nous appelons maintenant le Divin et que nous essayons de faire descendre sur la terre, il est probable qu’il nous fera le même effet dans quelques milliers ou millions d’années que nous fait maintenant le Surmental.

Et je suis convaincue que dans la manifestation, c’est-à-dire dans l’expression de Soi, le Divin est progressif. Hors de la manifestation, Il est quelque chose que nous ne pouvons pas concevoir; mais dès qu’Il se manifeste dans cette espèce de devenir perpétuel, eh bien, Il manifeste de plus en plus de Lui-même, comme s’Il réservait pour la fin les plus belles choses de Son Être.

À mesure que le monde progresse, ce qu’Il exprime dans le monde devient ce que nous pouvons dire de plus en plus divin.

Alors, Sri Aurobindo a employé le mot Supramental pour faire comprendre aux gens qui sont dans la conscience évolutive et extérieure et qui ont quelque idée de la façon dont s’est développé le monde terrestre, leur faire comprendre que c’est quelque chose qui va être au-delà, et supérieur à la création humaine, à l’homme, qu’il appelle toujours l’être mental; ce qui va venir, c’est quelque chose qui sera plus et mieux que l’homme, et alors il l’appelle supramental, pour se faire comprendre. Mais nous pouvons aussi bien dire que c’est quelque chose de plus divin que ce qui a été manifesté auparavant.

Et là, il le dit lui-même, aujourd’hui dans ce que j’ai lu, que c’est infini, que cela n’a pas de limites1. C’est-à-dire qu’il y aura toujours une perfection croissante; et ce qui nous paraît maintenant imparfait devait être la perfection à laquelle aspiraient certaines périodes de l’histoire terrestre.

Il n’y a aucune raison pour que cela s’arrête. Si cela s’arrêtait, ça finirait. Ce serait un nouveau «pralaya».

Mère, je n’ai pas compris ici: «C’est pour ce développement significatif de la conscience par la pensée, la volonté, les émotions, le désir, l’action et l’expérience, aboutissant à la suprême et divine découverte de soi, que l’Homme, être mental, s’est revêtu d’un corps matériel.» (La Synthèse des Yogas, vol. I, p. 97-98)

Pourquoi l’être mental a revêtu un corps matériel, c’est cela que tu demandes?

Il a dit: «aboutissant à la suprême et divine découverte de soi.»

La divine découverte, c’est la découverte du Divin en soi. Alors l’homme, c’est-à-dire l’être mental (parce que ce que nous appelons homme, c’est un corps physique avec un être mental dedans, un être mental se manifestant dans un corps, un corps physique), alors l’être mental s’est incarné et est devenu homme afin de trouver en lui-même l’Être divin, la Présence divine.

Pourquoi? Tu demandes pourquoi? C’est un drôle de procédé! (rires)

Je ne sais pas s’il va l’expliquer là, je ne me souviens plus; mais il y a un fait certain, c’est que cette chose merveilleuse de la Présence divine dans la Matière, qui est à l’origine de la formation de l’être psychique, est une chose qui appartient en propre à la vie terrestre.

Alors (nous avons dit cela déjà plusieurs fois, je crois), ce monde terrestre qui a l’air seulement d’une petite planète sans importance au point de vue astronomique, au milieu de toutes les étoiles et tous les mondes, ce monde terrestre a été formé pour devenir le symbole de l’univers et pour être un point de concentration pour le travail de transformation, de transmutation divine.

Et à cause de cela, dans cette matière qui était peut-être, de toutes les autres matières universelles, la plus obscure et la plus inconsciente, s’est précipitée et s’est incarnée directement la Conscience divine, depuis l’Origine suprême jusque dans la matière la plus obscure, sans passer par aucun intermédiaire, directement. Par conséquent, les deux extrêmes se touchent, le Suprême et le plus inconscient, et le cercle universel se referme. Et ainsi, la vie terrestre est le moyen le plus commode (si l’on peut dire) ou le plus rapide de prendre conscience du Divin.

Et c’est tellement un fait que, même quand les grandes Individualités cosmiques veulent se convertir ou s’unir à l’Origine, elles prennent un corps physique pour cela, parce que ça leur est plus commode, parce qu’on peut le faire plus vite et mieux que s’il fallait progresser à travers tous les états d’être, depuis n’importe lequel des états d’être de l’univers, jusqu’à la suprême Origine.

Il est plus facile de descendre dans un corps humain et d’y trouver la Présence divine, c’est plus rapide. Imaginez le serpent qui mord sa queue, cela fait un cercle, n’est-ce pas; alors, si quelque chose veut s’unir au Divin, c’est plus facile d’entrer dans la queue que de faire tout le tour du corps! Puisque la tête mord la queue, eh bien, si vous entrez dans la queue, vous êtes immédiatement en rapport avec la tête. Tandis qu’autrement, il faut faire tout le tour comme cela, pour arriver jusqu’à la tête.

(À l’enfant) Note que je ne suis pas tout à fait sûre que ce soit cela qu’il veut dire, mais en tout cas c’est une explication.

(silence)

Mère désigne la fleur de frangipanier qu’elle tient à la main. Cette fleur a été nommée «Perfection Psychologique».)

Qui se souvient de cela?

(Comptant les pétales) Un, deux, trois, quatre, cinq perfections psychologiques. Quelles sont les cinq perfections psychologiques?

Parce que l’on peut en changer. Et en fait, pour vous révéler mes secrets, chaque fois que je la donne à quelqu’un, ce ne sont pas toujours les mêmes perfections psychologiques. Cela dépend du besoin des gens. Même, à la même personne, je peux donner à différents moments différentes perfections psychologiques; par conséquent, ce n’est pas fixe. Mais la première fois que l’on a appelé cette fleur «Perfection Psychologique» (je me souviens très bien, c’était à une réunion là-haut, à l’endroit où se trouve maintenant Prospérité, où je vais le premier du mois2; il y avait une réunion et on avait décidé des cinq perfections psychologiques), à ce moment-là, on l’a noté; mais comme pour moi c’est une chose très fluide (je l’ai dit, cela dépend des circonstances et des besoins), je ne me souviens pas de ce que l’on avait choisi la première fois.

Alors si quelqu’un le sait, il pourra le dire, on comparera.

Je ne suis pas sûre.

Tu n’es pas sûre. Il y a quelqu’un qui est sûr?

Aspiration, dévotion, sincérité. Et la foi.

Cela ne fait que quatre jusqu’à présent.

Et la soumission.

La soumission? Quelqu’un m’a dit autre chose. (S’adressant à une disciple) Toi, tu sais? Eh bien, viens le dire.

En anglais, Mère?

Ah! non, mon enfant, c’est une classe de français, pas en anglais!

Foi, sincérité, aspiration, dévotion, soumission.

Mais c’est ce qu’il vient de dire. (S’adressant à une autre disciple) Toi, tout à l’heure, tu m’as dit «fidélité».

J’ai dit, mais ce n’est pas fidélité. Au lieu de fidélité, il y a foi.

Mais pourquoi n’y aurait-il pas fidélité? Je ne l’ai pas mis, parce que je n’ai pas essayé de me souvenir de quoi que ce soit, j’ai simplement écrit ce qui me paraissait être le plus important et le plus général. Mais on peut le mettre de façons différentes.

En tout cas, celui qui est toujours là, dans toutes les combinaisons et à qui que ce soit que je le donne, le premier de tous, c’est la sincérité. Parce que s’il n’y a pas de sincérité, on ne peut pas avancer même de la moitié d’un pas. Alors c’est cela, le premier, qui est toujours là.

Mais il peut se traduire par un autre mot, si l’on préfère, qui serait transparence. J’explique mon mot:

Je suis en présence de quelqu’un et je regarde cette personne; je regarde dans ses yeux. Et si cette personne est sincère ou «transparente», à travers les yeux, je descends et je vois son âme — clairement. Mais (justement c’est cela, l’expérience) quand je regarde quelqu’un et puis que je vois un petit nuage, puis je continue, je vois un écran, et quelquefois c’est un mur, et après c’est quelque chose de tout à fait noir; et qu’il faut traverser tout cela, et puis faire des trous pour pouvoir passer; et puis on n’est pas sûr qu’à la dernière minute on ne se trouvera pas devant une porte de bronze tellement épaisse que l’on ne passera jamais au travers et que je ne verrai pas son âme; alors cette personne-là, je peux dire tout de suite qu’elle n’est pas sincère. Mais je peux dire aussi d’une façon littéraire qu’elle n’est pas transparente. C’est la première chose.

Il y a une seconde chose, qui est évidemment assez indispensable si l’on veut avancer: c’est d’avoir la foi. Ou un autre mot, qui a l’air plus limité mais qui pour moi est plus important, parce que (c’est une question d’expérience), si votre foi n’est pas faite d’une confiance totale dans le Divin, eh bien, vous pouvez très facilement garder l’impression de votre foi, et être en train de perdre toute confiance dans le Pouvoir divin, ou la bonté divine, ou la confiance que le Divin a en vous. Ce sont les trois pierres d’achoppement:

Ceux qui ont une foi qu’ils appellent inébranlable dans le Divin et qui disent: «C’est le Divin qui fait tout, qui peut tout; tout ce qui arrive en moi, dans les autres, partout, est l’oeuvre du Divin et de rien d’autre que le Divin», s’ils suivent cela avec une sorte de logique, au bout d’un certain temps ils vont accuser le Divin des méfaits les plus épouvantables qui se passent dans le monde et ils en feront un véritable démon cruel et effroyable — s’ils n’ont pas confiance.

Ou alors, ils ont bien la foi, mais ils se disent: «Enfin, j’ai la foi dans le Divin, mais ce monde, je vois bien comment il est! D’abord moi, je souffre beaucoup, n’est-ce pas, je suis très malheureux, beaucoup plus malheureux que tous mes voisins (parce qu’on est toujours beaucoup plus malheureux que tous ses voisins), je suis très malheureux, et vraiment la vie est méchante avec moi. Mais alors le Divin est divin, Il est toute bonté, toute générosité, toute harmonie, alors comment se fait-il que je sois si malheureux? Il doit être impuissant; autrement, étant si bon, comment me laisserait-Il souffrir tellement?»

C’est la seconde pierre d’achoppement.

Et la troisième, ce sont les gens qui ont ce que l’on pourrait appeler une modestie ou une humilité dévoyées et excessives et qui se disent: «Sûrement le Divin m’a rejeté, je ne suis bon à rien, Il ne peut rien faire de moi, je n’ai qu’à abandonner la partie parce qu’Il me trouve indigne de Lui!»

Alors, à moins que l’on n’ajoute à la foi une confiance totale et complète en la Grâce divine, on aura des difficultés. Donc, il faut les deux; l’un ou l’autre, ou les deux.

Maintenant, nous avons mis dans la série «dévotion». Oui, la dévotion c’est très bien, mais à moins qu’elle ne soit accompagnée de beaucoup d’autres choses, elle aussi peut se tromper beaucoup. Elle peut rencontrer de grandes difficultés.

On a de la dévotion, et on garde son ego. Et alors, votre ego vous fait faire toutes sortes de choses par dévotion, et des choses qui sont terriblement égoïstes. C’est-à-dire que l’on ne pense qu’à soi et pas aux autres, ni au monde, ni au travail, ni à ce qui doit être fait — on ne pense qu’à sa dévotion. Et on devient formidablement égoïste. Et alors, quand vous vous apercevez que le Divin, pour une raison quelconque, ne répond pas à votre dévotion avec l’enthousiasme que vous attendez de Lui, on se désespère et on retombe dans les mêmes trois difficultés dont je parlais tout à l’heure: ou le Divin est cruel (nous avons lu cela, il y a beaucoup d’histoires comme cela, de dévots enthousiastes qui injurient le Divin parce qu’Il n’est plus avec eux aussi gentil et aussi proche qu’Il l’était avant, Il s’est retiré: «Pourquoi m’as-Tu laissé? Tu m’as laissé tomber, monstre!...» Ils n’osent pas le dire, mais ils le pensent), ou alors ils disent: «Oh! j’ai dû faire une faute tellement grave que je suis rejeté», et on tombe dans le désespoir.

Mais il y a un autre mouvement, qu’il faudrait avoir d’une façon constante comme un complément de la dévotion... Cette espèce de sens de la gratitude, que le Divin existe; ce sentiment de reconnaissance émerveillée qui vous remplit vraiment d’une joie sublime du fait que le Divin existe, qu’il y a quelque chose dans l’univers qui est le Divin, que ce n’est pas seulement cette monstruosité que nous voyons, qu’il y a le Divin, que le Divin existe. Et chaque fois que la moindre chose vous met en contact, ou directement ou indirectement, avec cette sublime réalité de l’existence divine, le coeur se remplit d’une joie si intense, si merveilleuse, d’une reconnaissance qui est de toutes les choses celle qui a le goût le plus délectable.

Il n’y a rien qui vous donne une joie pareille à celle de la gratitude. On entend un oiseau chanter, on voit une jolie fleur, on regarde un petit enfant, on voit un acte de générosité, on lit une belle phrase, on regarde un coucher de soleil, n’importe, tout à coup cela vient en vous, cette espèce d’émotion, mais si profonde et si intense, que le monde manifeste le Divin, qu’il y a quelque chose derrière le monde qui est le Divin.

Alors, je trouve que la dévotion sans gratitude est tout à fait incomplète, il faut que la gratitude vienne avec la dévotion.

Je me souviens qu’il y avait un temps où nous avions parlé du courage comme l’une des perfections; je me souviens de l’avoir écrit une fois dans une liste. Mais c’est un courage qui veut dire le goût de l’aventure suprême. Et ce goût de l’aventure suprême, c’est l’aspiration; l’aspiration qui vous saisit tout entier et qui vous jette, n’est-ce pas, sans calcul et sans réserve, et sans possibilité de recul, vers la grande aventure de la découverte divine, la grande aventure de la rencontre divine, la grande aventure encore plus grande de la Réalisation divine; on se jette dans l’aventure sans regarder en arrière et sans se demander une seule minute: «Qu’est-ce qui va arriver?» Parce que, si l’on se demande ce qui va arriver, on ne part jamais, on reste toujours les deux pieds par terre, là, solidement, en ayant peur de perdre quelque chose, de perdre son équilibre.

C’est pour cela que je parle de courage. Mais vraiment c’est de l’aspiration. Ce sont les deux ensemble. Une vraie aspiration est quelque chose qui est plein de courage.

Et puis la soumission. En anglais, c’est «surrender», il n’y a pas de mot français qui donne vraiment ce sens-là. Mais Sri Aurobindo avait dit (je crois que nous l’avons lu) que cette soumission (nous employons le mot soumission parce que nous n’en avons pas de meilleur) est la condition première et absolue pour faire le yoga. Alors, si nous suivons ce qu’il a dit, ce n’est pas l’une des qualités requises: c’est l’attitude première indispensable pour pouvoir commencer le yoga. Si l’on n’est pas décidé à faire une soumission totale, on ne peut pas commencer.

Mais pour que cette soumission soit totale, toutes ces qualités sont nécessaires. Et moi, j’en ajoute une (parce que jusqu’à présent nous n’en avons que quatre), j’en ajoute une, c’est l’endurance. Parce que, si vous n’êtes pas capable de faire face aux difficultés sans vous décourager et sans abdiquer parce que c’est trop difficile, et puis si vous n’êtes pas capable... eh bien, de recevoir des coups et de continuer, d’»empocher» comme on dit — quand vous recevez des coups provenant de vos défauts, de mettre les coups dans votre poche et puis de continuer à avancer sans faiblir —, on ne va pas très loin; au premier tournant où l’on perd de vue la petite vie habituelle, on se désespère et on abandonne la partie.

La forme la plus... comment dire... la plus matérielle de cela, c’est la persévérance. À moins que vous ne soyez résolu à recommencer mille fois s’il le faut la même chose... N’est-ce pas, les gens viennent vous trouver désespérés: «Mais je croyais que c’était fait et il faut encore que je recommence!» Et si on leur dit: «Mais ce n’est rien, vous aurez probablement à recommencer cent fois, deux cents fois, mille fois!...» Vous faites un pas en avant et vous croyez que vous êtes solide, mais il y aura toujours quelque chose pour faire renaître la même difficulté un peu plus loin. Vous croyez que vous avez résolu le problème, il faudra le résoudre encore; il se représentera avec une toute petite différence d’apparence, mais ce sera le même problème. Et si vous n’êtes pas décidé que, «même si cela se représente un million de fois, je le ferai un million de fois, mais j’irai jusqu’au bout», eh bien, vous ne pourrez pas faire le yoga. Cela, c’est tout à fait indispensable.

Les gens qui ont eu une belle expérience et qui disent: «Ah! maintenant, ça y est!» Et puis ça se calme, ça s’atténue, ça se voile, et tout d’un coup une chose tout à fait inattendue, absolument vulgaire et qui a l’air d’être complètement sans intérêt, se présente devant vous et elle vous bouche le chemin. Et alors on se dit: «Ah! à quoi ça sert d’avoir fait ce progrès si ça recommence! pour quoi faire? J’ai fait un effort, j’ai réussi, je suis arrivé à quelque chose, et maintenant c’est comme si je n’avais rien fait! alors, c’est désespérant.» Parce que l’on n’a pas d’endurance.

Si on a de l’endurance, on dit: «C’est bon. Bien, je recommencerai aussi longtemps qu’il le faut; mille fois, dix mille fois, cent mille fois s’il le faut, je recommencerai — mais j’arriverai jusqu’au bout et rien n’aura le pouvoir de m’arrêter en route.»

C’est très nécessaire. Très nécessaire.

Alors voilà ma proposition: nous mettons soumission d’abord, en haut; c’est-à-dire que nous acceptons le fait que Sri Aurobindo a dit que, pour faire le yoga intégral, il faut d’abord prendre la résolution que l’on se soumettra entièrement au Divin, il n’y a pas d’autre moyen, que c’est le moyen. Mais après cela, il faut avoir cinq vertus psychologiques, cinq perfections psychologiques, et nous disons que ces perfections sont:

Sincérité ou Transparence,

Foi ou Confiance (confiance dans le Divin naturellement),

Dévotion ou Gratitude,

Courage ou Aspiration,

Endurance ou Persévérance.

Une forme de l’endurance, c’est la fidélité; la fidélité à sa résolution: être fidèle. On a pris une résolution, on est fidèle à sa résolution: c’est de l’endurance.

Voilà.

Si l’on s’obstine, vient un moment où on a la victoire.

La victoire est au plus obstiné.

 

1 «En un sens, c’est peut-être une erreur de parler d’un but quelque part, dans une progression qui pourrait bien être infinie.» (La Synthèse des Yogas, vol. I, p. 98)

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2 «Prospérité» était l’endroit où, le premier de chaque mois, Mère distribuait aux disciples ce dont ils avaient besoin pour le mois.

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