Mère
l'Agenda
Volume 11
3 octobre 1970
(Mère donne un bloc-notes-calendrier au disciple, puis un crayon-feutre.)
Quelle couleur?
C'est violet.
Le violet du pouvoir.
(Mère cherche en vain un crayon vert pour Sujata et finit par lui en donner un bleu,)
Tu as quelque chose?
(Mère entre dans une longue contemplation. La respiration s'améliore, devient paisible, mais de temps en temps, il y a des mouvements involontaires de la jambe gauche et des épaules, surtout de l'épaule droite.)
Tu n'as rien?
Il y a du nouveau?
(Mère hoche la tête négativement, puis replonge)
Tu n'as vraiment rien à me lire?
Si tu veux, je pourrais te lire mon nouveau livre1... Ça me rassurera parce que je ne sais pas où je vais.
C'est bien. Je serais contente de l'entendre.
(Mère replonge)
Ça va (d'un ton peu convaincu).
Quelle heure est-il?
Onze heures quinze.
(Mère regarde plusieurs fois, mais s'en va tout de suite)
Alors la prochaine fois, tu apportes ton livre.
*
* *
(Après le départ du disciple, Sujata parle à Mère des jeunes filles de sa génération, qui n'ont pas l'avantage d'être «proches de Mère» ni dans le cercle des «personnes importantes» et qui ne voient jamais Mère, et en souffrent. Nous touchons ici – et c'est pourquoi nous le notons – à un problème très central de l'Ashram: une sorte de dichotomie entre les éléments simples qui lavent la vaisselle, cousent, graissent les voitures et qui sont là simplement avec leur amour pour Mère, et les éléments «dirigeants» pourrait-on dire, qui révèlent de plus en plus leur nature ambitieuse et donc tordue. C'est pourtant avec ce noyau épais que Mère devait travailler presque quotidiennement et c'est cela qui faisait la difficulté de Mère, sinon sa suffocation. Avec Sujata, Mère convient donc de recevoir, par roulement, un certain nombre de jeunes éléments simples – malheureusement, cette nouvelle ouverture sera vite bouchée par les circonstances: un nouveau tournant grave du yoga de Mère, puis d'autres «impossibilities».)
1 On the Way to Supermanhood.