Mère
l'Agenda
Volume 11
Je crois que c'est la pression de cette Conscience, mais il y a des tas de gens qui se disputent entre eux dans les Services et particulièrement à l'Imprimerie. Alors j'ai écrit quelque chose:
(Mère tend une note)
«Vous avez l'air d'oublier que, par le fait que vous vivez à l'Ashram, ce n'est ni pour vous-mêmes ni pour un patron que vous travaillez, c'est pour le Divin. Votre vie doit être une consécration à l'Œuvre divine et ne peut être gouvernée par de petites considérations humaines.»
Tu veux le publier ou l'afficher?
C'est peut-être un peu trop public...
Ce que l'on pourrait faire... C'est surtout à l'Imprimerie que c'est comme cela, alors ce serait amusant de leur donner (riant), de leur dire de l'imprimer sur une petite carte!
(silence)
À part cela, je n'ai rien... Des «rêves» – pas des rêves: les activités de la nuit sont devenues très claires, très intéressantes, mais quelquefois c'est un rêve symbolique. Et c'est tellement concret et réel... Je n'ai jamais eu de rêves comme cela avant. Très instructif.
Mais alors, un phénomène. C'est un monde (ce monde symbolique) où il n'y a pas de distinction entre les vivants et les morts. Je veux dire qu'il n'y a même pas de distinction perceptible; par exemple, cette nuit, j'ai eu une activité; eh bien, il y avait Amrita et il y avait plusieurs autres personnes vivantes, et Amrita était comme les autres... excepté qu'il était un peu... (geste fatigué ou indolent), mais ce devait être dans sa nature: pas envie d'intervenir.
C'était une traduction symbolique de l'activité concernant l'argent, et alors, au lieu d'être de l'argent, c'était de la nourriture, mais c'était clairement l'activité pour l'argent: les différentes attitudes des gens et la réception, l'utilisation, etc., avec des précisions tout à fait intéressantes (mais intéressantes au point de vue de l'action, n'est-ce pas, de ce qui est fait, comment c'est fait).
C'est dans le physique subtil, cet endroit où les vivants et les morts sont ensemble?
Oui.
Mais est-ce dans le sens d'une matérialisation du physique subtil que doivent se dérouler les choses?
Non. Ça ne peut pas se matérialiser, ce serait impossible!... Je crois que c'est un moyen d'action, c'est-à-dire que ça répond plus clairement et plus fortement à la volonté. Ça paraît plus réceptif. C'est plus souple, c'est plus expressif aussi. Mais matérialisé, ce serait un pur chaos en apparence.
Ça me paraît être le lieu symbolique de la vie physique. Par exemple, dans un petit espace, on peut faire une action très étendue qui atteigne très loin... Il y avait comme cela, comme dans des chambres contiguës, des gens qui habitent très loin, au Nord de l'Inde ou dans un autre pays ou... Ils étaient dans des chambres différentes seulement, mais moi, je pouvais passer de l'une à l'autre; alors ça a l'air d'une... (Mère fait un geste exprimant une concentration ou un champ restreint). Ça n'a pas la même réalité concrète, c'est symbolique.
Par exemple, l'argent était symbolisé par une certaine nourriture (en fait c'étaient des asperges! mais pas des asperges comme nous les avons ici: c'étaient de grandes asperges comme cela: environ 50cm), et alors, on pouvait disposer, recevoir, arranger, comme si l'on arrangeait de la nourriture, et on ne la mettait pas à la bouche (c'est symbolique).
Mais alors, ce qui se matérialiserait, ce n'est pas ce monde-là, mais c'est la conscience propre à ce monde, l'état de conscience?
Peut-être, oui... Ce qui essaye de se produire, c'est une influence plus forte et plus directe sur les circonstances purement matérielles... Oui, c'est cela: agir sur ce physique subtil a un effet selon les lois du monde matériel dans le monde matériel.
N'est-ce pas, au milieu de beaucoup d'autres choses (ça a duré longtemps et c'était une chose très complexe), mais comme un exemple au milieu d'autres choses, il s'agissait des conséquences, même présentes, de certaines choses que Amrita a faites quand il était là et qu'il maniait l'argent. Mais je lui parlais et j'arrangeais les choses avec lui comme s'il était présent, pas comme s'il était parti.
(long silence)
Tu n'as rien à demander?
J'étais en train de me demander quelque chose. L'autre jour, je te demandais comment accéder à ce physique subtil? Mais d'après ce que tu dis maintenant, est-ce que l'on accède à ce monde, en quelque sorte, par des activités de travail?... C'est un monde de travail?1
Celui-LÀ, oui... Il faudrait que je voie plusieurs choses différentes pour pouvoir faire une règle, et je ne sais pas. Cette nuit, c'était comme cela, c'est tout ce que je peux dire.
Peut-être dans quelque temps pourrai-je dire, mais il faut que je puisse faire des rapprochements entre différentes choses.
(silence)
Tu comprends, ce sont de toutes petites choses, et c'est amusant comme symbolisme. Par exemple, cette nourriture qui ressemblait à des asperges mais qui n'était pas des asperges, elle venait en grande quantité, et je la distribuais, mais, jamais, je ne mangeais rien; jamais, je ne mangeais: je donnais aux autres. Eux, mangeaient: ceux qui dépensaient, qui utilisaient l'argent et qui considéraient que cet argent leur appartenait, ils mangeaient... Et alors, il y avait des choses qui n'étaient pas très agréables, et il y en avait qui étaient... qui avaient l'air succulentes!2 (Mère rit)
(long silence)
Rien? Qu'est-ce que tu as?
Il y a une chose pratique. Dans un Agenda d'il y a quelque temps [du 3 janvier], tu as parlé du Surmental et du Supramental, et j'ai l'impression qu'une ou deux fois, tu as employé un mot pour l'autre. Mais je voudrais bien en être sûr... [le disciple sort le texte] Au début, tu parles d'un nouveau genre de perception qui combine à la fois tous les organes: une sorte de perception totale qui combine l'ouïe, la vue, etc. Et alors tu dis:
«Tout cela, c'est certainement la conscience de ce que Sri Aurobindo avait appelé... [alors ici, tu as dit le "Surmental", mais je crois que c'est le Supramental]... le Supramental, l'être qui suivra l'homme...
Oui, c'est «Supramental».
«...Comment il sera? Je n'ai pas encore vu... J'ai bien vu, j'ai eu des perceptions du surhomme, de l'être intermédiaire, mais on sent très bien que ce n'est qu'un être intermédiaire. Ce que sera cet être-là, qui suivra le surhomme?... Je ne sais pas...
J'ai eu, depuis, une vision où j'avais vu mon propre corps.3
Mais ton propre corps, c'était ton corps supramental ou surhumain?
Ah! non, ce n'était pas surhumain.
C'était supramental?
Oui, ce n'était pas surhumain du tout... Et je ne vois pas le moyen que ça (Mère pince la peau de ses mains) se change en Ça. Il doit y avoir quelque chose entre les deux. C'est-à-dire que matériellement, je ne vois pas comment ça (Mère désigne son corps), ça peut devenir ce que j'ai vu.
Mais j'avais vu deux choses cette même nuit?
Oui, tu tuais quelqu'un.
Ah! oui... qui ne mourait pas d'ailleurs! (Mère rit)
C'était pour montrer le Mensonge de l'illusion de la mort. Et c'était aussi par-delà toutes les questions de sexe.
Oui.
Alors tu continues [le disciple reprend le texte]: il y a une ambiguïté qui continue:
«Ce que sera cet être-là, qui suivra le surhomme?... Je ne sais pas. Parce que nous sommes encore beaucoup trop humains; quand nous voyons une forme à la Conscience Suprême, l'Être Suprême, etc. – le Suprême –, nous avons tendance à lui donner une forme similaire à la forme humaine, mais c'est notre vieille habitude... J'avais vu cet être...
Alors, ici, est-ce que tu parles de l'être supramental ou bien de l'être intermédiaire entre l'homme et le supramental?... Tu dis:
«J'avais vu cet être – je l'ai vu il y a bien des années –, c'était évidemment une forme beaucoup plus harmonieuse et expressive que la forme humaine...
Ah! ça, je ne sais pas ce que c'était parce que c'était avant: avant de connaître Sri Aurobindo. Je l'avais vu... je crois que c'est à Tlemcen que je l'avais vu. Alors je n'avais pas l'idée de surhomme et de supramental ni de tout cela, je n'employais pas ces mots. Alors je ne sais pas... Il faudrait mettre quelque chose de vague.
L'être intermédiaire?
Je ne sais pas.
L'être prochain ou futur?
Oui: «cet être futur.»
«J'avais vu cet être futur il y a bien des années; c'était évidemment une forme beaucoup plus harmonieuse et expressive que la forme humaine, mais ça ressemblait, c'était encore une forme humaine, c'est-à-dire une tête et des bras et des jambes, etc. Est-ce que ce sera ça? Je ne sais pas. Il y aura ça comme intermédiaire, forcément. Il y a eu toutes ces sortes de singes qui ont servi d'intermédiaires entre l'animal et l'homme... Mais la légèreté, l'invulnérabilité, le déplacement à volonté, la luminosité à volonté, tout cela est entendu...
Tu veux dire que cela fait partie du supramental?
Oui, oui.
«Et aussi le revêtement à volonté: ce n'est pas une forme étrangère ajoutée, c'est la substance qui prend certaines formes.»
Ah! oui, ça, c'est très important, parce que ça, positivement, je l'ai vu. C'est la substance elle-même qui prend tantôt la forme d'un vêtement, tantôt... (geste mouvant)
(silence)
La différence entre l'homme et le surhomme sera plus une différence de conscience qu'une différence matérielle probablement?
(après un silence)
Au point de vue de la forme, cela paraît être comme cela, mais est-ce à cause de notre impuissance? C'est à savoir.
Il y a évidemment le précédent du singe et de l'homme, mais s'il y a la même différence entre cet être-là et l'homme, qu'entre l'homme et le singe...
Ce serait déjà pas mal!
C'est beaucoup! C'est beaucoup.
Mais on peut concevoir qu'une conscience supérieure «esthétise», harmonise cette substance matérielle...
Oui.
Mais c'est le pas d'après qui est plus incompréhensible.
Oui.
N'est-ce pas, c'est le fonctionnement des organes et la nécessité des organes, c'est cela qui ferait une grande différence. Un être qui n'aurait pas besoin de poumons, qui n'aurait pas besoin de cœur... cela ferait une différence formidable!
Oui, ça ne semble être possible que comme une matérialisation plutôt que comme une évolution.
(Mère hoche la tête)
Je ne sais rien du tout.
La seule chose assez immédiatement concevable, c'est qu'un être humain se nourrisse d'air pur, comme il y a des êtres qui se nourrissent d'eau (qui vivent dans l'eau et se nourrissent d'eau). Ça, on peut concevoir que des êtres humains se nourrissent d'air pur. Il y a des yogis qui le faisaient.
Il y a des êtres qui se nourrissent d'eau seulement?
Je veux dire des êtres qui vivent dans l'eau.
Oui, ils vivent dans l'eau, mais ils se nourrissent.
Simplement du plancton: des petites particules qui sont dans l'eau... Il y a des yogis, dit-on, qui peuvent se nourrir d'air pur. Les textes anciens parlent de cette nourriture de l'air.
Ce serait bien commode!
Mais leur apparence ne peut pas être la même.
En tout cas, ça éliminerait déjà beaucoup de problèmes... Et ça, c'est très concevable.
Qu'est-ce qui formerait ça, alors (Mère désigne la substance du corps), la première formation?... On peut imaginer que l'usure soit supprimée et que ça puisse continuer indéfiniment avec un renouvellement de vitalité, on le conçoit très bien, mais la première formation?
Oui, la matière, la substance.
Eh bien, oui!
(long silence)
Je ne sais pas au point de vue purement scientifique comment se forme l'enfant dans la mère?... Dans notre système, la nourriture est presque dématérialisée pour être utilisée, et alors, pour la formation de l'enfant, c'est la même chose?
Oui, c'est la même nourriture qui sert à l'enfant.
Oui, mais sous la même forme dématérialisée?
Sous la même forme.
C'est le sang qui transmet?
C'est par le sang, il est nourri par le sang de la mère. En fait, le cordon ombilical est le lien de transfusion des nourritures.
Ah! ça, sûrement!... Par conséquent, ce procédé de «devenir matériel» et de «cesser d'être matériel» est inutile... Ce qui nourrit, si on pouvait le recevoir directement?...
Oui-oui.
Mais qu'est-ce que c'est? Au point de vue purement scientifique, au point de vue chimique?
Ce sont des molécules et des atomes. Différents arrangements de molécules et d'atomes.4
Mais qui ne nous paraissent pas matériels?
Ils sont matériels en ce sens qu'ils sont observables.
Ils sont observables.
Oui, ils en ont fait le compte.
(après un silence)
C'est-à-dire que, pour le moment, la production de ces atomes doit passer par le processus de matérialisation pour devenir matérielle,5 et puis... (se dématérialiser à nouveau pour devenir assimilable)... N'est-ce pas, la matière dense est une apparence. Alors? C'est cela que je ne comprends pas, il y a quelque chose que je ne comprends pas au point de vue purement scientifique.
Oui, si tu absorbes, je ne sais pas, une carotte ou une pomme de terre, il y a un gros élément de déchet inutile et puis il y a l'essence de la chose.
Oui, par conséquent si l'on absorbait directement l'essence, il n'y aurait plus de déchets et il n'y aurait pas besoin de dématérialiser et de rematérialiser... C'est-à-dire que même maintenant, on a trouvé les vitamines, c'est une forme presque... (comment dire?)
Concentrée.
Concentrée – mais ce que nous appelons «concentré», c'est quelque chose qui est de plus en plus matériel, tandis que ça, ce n'est pas matériel... N'est-ce pas, on vous dit: vous êtes obligés de manger de la nourriture solide à cause de la façon dont vous êtes construits; retournez le problème: si vous ne mangez pas de nourriture solide, cette construction serait inutile! (rires) Et alors, il n'y aurait plus besoin d'estomac, de ceci, de cela... Qu'est-ce qui pourrait remplacer ça?
Il faudrait que l'on puisse absorber directement les énergies vitales.
Oui, c'est ça.
Non matérielles: vitales.
Mais c'est une chose que l'on est en train de trouver, parce que l'on peut se nourrir de vitamines et de choses comme cela.
Oui, mais les vitamines, c'est encore un processus matériel, douce Mère. Il est très réduit, mais il repose encore sur une chose matérielle.
Oui, mais ce peut être l'intermédiaire.
Ah! ce peut être l'intermédiaire. Mais l'autre chose serait vraiment un autre degré d'énergie – absorber un autre degré d'énergie –, oui, comme tu faisais autrefois, par exemple, en sentant l'odeur des fleurs, ou comme Madame Théon faisait quand elle se mettait sur la poitrine un... je ne sais plus quel fruit.
Un pamplemousse!... Ça, je l'ai vu, c'était extraordinaire! elle mettait le fruit sur sa poitrine et... desséché! Elle le mettait simplement là et... Elle le gardait plusieurs heures, et puis quand elle l'enlevait, c'était tout flapi, il n'y avait plus rien!
Mais ça, je me suis plusieurs fois dit qu'il devrait t'être possible, à toi, de te nourrir d'air.
Ah! non, l'air est dégoûtant! il est plein de la respiration de tout le monde. C'est cela, la chose, c'est qu'il est dégoûtant. Il faut... autre chose.
Parce que j'ai eu l'expérience que si je vais sur la montagne, je n'ai pour ainsi dire pas besoin de manger. Et je sens l'air me nourrir – mais LÀ, pas ici. Ici, c'est dégoûtant.
Alors ça complique.
On pourrait concevoir que l'on aurait des «ballons de nourriture»! (rires)
Des bols d'air!
Ou alors, comme intermédiaire, un système purificateur de l'air: au lieu de poumons, quelque chose qui purifie l'air, comme on purifie la nourriture.
Ah! quelle heure est-il?
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1 Le disciple voulait dire que ce monde semblait être un monde de travail et non un monde de contemplation ou de spéculation.
2 L'enregistrement du début de cette conversation n'a pas été conservé.
3 Conversation du 9 mai.
4 Inutile de dire que le disciple est parfaitement ignorant des questions scientifiques.
5 Le mot n'est pas très clairement enregistré. Nous supposons que Mère voulait dire «substantielle».