Mère
Commentaires sur Le Dhammapada
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La Voie
La meilleure voie est l’Octuple Voie; la meilleure vérité est la Quadruple Vérité. Le meilleur des états est l’impassibilité; le meilleur parmi les hommes est Celui qui voit et comprend [le Bouddha].
En vérité, c’est là la Voie; il n’en est pas d’autre qui mène à la purification de l’intuition. Suivez cette Voie et Mâra1 sera confondu.
En suivant cette Voie, vous mettrez fin à la souffrance. J’ai découvert cette Voie depuis que j’ai appris à me garer des épines de la douleur.
L’effort doit venir de nous-mêmes. Les Tathâgatas ne font qu’indiquer la Voie. Ceux qui méditent et qui entrent dans cette Voie sont libérés des entraves de Mâra.
«Toutes choses conditionnées sont impermanentes.» Dès que l’on a compris cela, grâce à l’intuition, on est à l’abri de la douleur. C’est là la voie de la pureté.
«Toutes choses conditionnées sont sujettes à la souffrance.» Dès que l’on a compris cela, grâce à l’intuition, on est à l’abri de la douleur. C’est là la voie de la pureté.
«Toutes choses conditionnées sont insubstantielles.» Dès que l’on a compris cela, grâce à l’intuition, on est à l’abri de la douleur. C’est là la voie de la pureté.
Celui qui n’agit point quand c’est le moment d’agir, quoique jeune et fort, est livré à l’indolence, et son mental est la proie de vaines pensées; un être aussi indolent ne trouvera pas la voie de la sagesse.
Modéré dans son langage, contrôlant bien son mental, et s’abstenant de commettre des actes mauvais, tels sont les trois modes d’action à purifier avant tout pour atteindre la voie tracée par les sages.
De la concentration provient la sagesse; du manque de concentration provient l’absence de sagesse.
Connaissant ces deux voies du progrès et du déclin, que l’homme choisisse la voie qui augmentera son savoir.
Abattez toute cette forêt de convoitise, et non pas un arbre seulement; car de cette forêt de convoitise, surgit la crainte. Abattez cette forêt d’arbres et d’arbustes, et une fois hors de cette forêt, soyez, ô bhikkhus, exempts de convoitise.
Tant que l’on n’a pas extirpé la toute dernière racine du désir de l’homme convoitant une femme, le mental est captif et aussi dépendant qu’un veau tétant sa mère.
Romps l’amour de toi-même comme avec la main on arrache le lotus d’automne. Fais ta dilection de la voie de la Paix du Nirvâna qu’a enseignée le Sougata2.
«C’est ici que je vivrai pendant la saison des pluies; c’est là que je vais demeurer pendant la saison froide, et ailleurs pendant la saison chaude.» C’est ainsi que l’insensé fait mentalement des projets, alors qu’il ignore ce qui peut lui arriver.
Et cet homme attaché à ses enfants et à ses troupeaux, la mort le saisit et l’emporte comme le flot torrentiel balaye le village endormi.
Ni enfants, ni père, ni famille ne sont un refuge. Lorsque la mort nous saisit, la famille n’est d’aucun secours.
Sachant parfaitement cela, l’homme intelligent, protégé par une vie morale, ne temporise pas pour défricher la voie qui mène au Nirvâna.
Voilà quelques recommandations très utiles: modération de langage et contrôle du mental, abstention des actes mauvais. Ceci est fort bien.
Ici, c’est radical, mais c’est très bien aussi: «Tant qu’on n’a pas extirpé la toute dernière racine du désir de l’homme convoitant une femme, le mental est captif et aussi dépendant qu’un veau tétant sa mère.»
Et finalement: «Romps l’amour de toi-même comme avec la main on arrache le lotus d’automne.» Voilà de bons sujets de méditation.
Ces recommandations semblent s’adresser à des gens qui sont au commencement de la Voie au point de vue intellectuel. On imagine très bien une assemblée de paysans, de gens simples d’esprit, à qui il faut dire: «Écoutez bien, ce n’est pas la peine de faire des projets, parce que vous ne savez pas ce qui vous arrivera demain. Vous accumulez des richesses et vous vous prélassez dans votre famille, et vous faites des projets pour le lendemain et les jours suivants, et vous n’êtes pas conscients que la mort vous guette et qu’à n’importe quel moment, elle peut tomber sur vous.»
Il y a tout de même un développement intellectuel un peu plus avancé où ces choses n’ont pas besoin d’être dites — les vivre! Vivre dans cette conscience d’une impermanence totale des choses, et qu’il ne faut jamais s’attacher si l’on veut être libre de progresser avec l’univers et de se développer selon le rythme éternel. Ceci on le comprend. Mais ce qui est important, c’est la pratique. Et ici, on a l’impression que ces choses sont dites à des gens qui n’y avaient jamais pensé avant, alors elles avaient tout le pouvoir de la force active.
Après tout, malgré toutes les apparences, l’humanité progresse — elle a progressé surtout mentalement. Il y a des choses qui ne sont plus à dire... Ou alors il faut s’en aller en des pays qui sont à un stade très primitif — et encore: les idées sont répandues partout, la lumière mentale est répandue partout; dans les endroits les plus inattendus, on trouve des réceptivités, des compréhensions.
On a vraiment l’impression que, dans le dernier siècle, il y a eu une lumière qui s’est répandue sur la terre et qui fait que certaines idées, qui étaient des idées-forces, des idées neuves avec un pouvoir de remuer les consciences, ont perdu leur actualité — elles sont vieilles. Il y a une lumière nouvelle qui est au travail.
Dans la pratique, le progrès n’est pas très grand, peut-être même sur certains points y a-t-il eu régression, mais dans l’esprit, dans la compréhension, dans la vision intellectuelle des choses, il y a vraiment un grand changement.
Il semble que l’on marche sur la route d’un pas accéléré et que ces choses qui étaient d’une importance capitale deviennent presque des lieux communs devant les nouvelles découvertes. Que la vie, telle qu’elle est, est mauvaise, que le désordre est partout, que la douleur est partout, que la confusion est partout, que le chaos est partout, que l’ignorance est partout, nous le savons tous — non! cela paraît une chose tellement rabâchée.
Mais que l’on peut en sortir par la voie d’une réalisation totale, d’une transformation totale, d’une lumière nouvelle qui mettra de l’ordre et de l’harmonie dans les choses: c’est un message d’espoir qu’il faut apporter. C’est celui-là qui est vrai et qui est dynamique. C’est une vie nouvelle qu’il faut bâtir.
Et alors, toutes ces difficultés qui paraissaient si insurmontables — oh! elles tombent d’elles-mêmes.
Quand on peut vivre dans la lumière et la joie, est-ce qu’on s’accrochera à l’ombre et à la souffrance?
27 juin 1958
1 L’esprit du mal.
2 Le Bouddha.