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Mère

Commentaires sur Le Dhammapada

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Le plaisir

Celui qui se donne entièrement à ce qui est sans profit, qui ne se consacre pas à ce qui est profitable, qui sacrifie les vraies connaissances à l’étreinte du plaisir, se prépare au regret de n’avoir point agi comme ceux qui ont choisi la voie de la connaissance.

Ne recherche donc pas le plaisir et encore bien moins ce qui est déplaisant, car il est douloureux d’être privé de ce qui est plaisant, et également douloureux de voir ce qui est déplaisant.

C’est pourquoi il ne faut rien considérer comme cher, car la perte de ce que l’on aime est douloureuse. Il n’existe aucun lien pour ceux qui n’éprouvent ni amour, ni haine.

La pensée de ce qui est cher engendre le chagrin, la pensée de ce qui est cher fait naître la crainte. Celui qui s’est dégagé du plaisir de chérir n’éprouve aucun chagrin, qu’a-t-il à craindre?

De l’affection naît le chagrin: de l’affection naît la crainte. Si l’on s’est entièrement dégagé de l’affection, il n’existe aucun chagrin, qu’a-t-on à craindre?

Du plaisir sensuel naît le chagrin, de ce plaisir naît la crainte. Pour celui qui s’est entièrement libéré de la convoitise, le chagrin n’existe pas et qu’a-t-il à craindre?

Le désir sensuel engendre le chagrin, le désir sensuel engendre la crainte. Si l’on est affranchi de cet attachement, on ne connaît pas le chagrin et qu’a-t-on à craindre?

La convoitise engendre le chagrin, la convoitise engendre la crainte. Pour celui qui s’est complètement libéré de la convoitise, il n’y a plus de chagrin et qu’a-t-il à craindre?

On affectionne celui qui possède sagesse et intuition, qui est juste et qui connaît la Vérité et qui remplit ses devoirs.

Celui qui aspire à l’ineffable Paix qu’est le Nirvâna, celui dont le mental est éveillé et dont les pensées ne sont plus prises dans les filets de la convoitise, celui-là est dit «remonter le courant [Vers la Perfection]».

Tout comme, après une longue absence, un homme qui revient sain et sauf chez lui est reçu par ses parents et amis qui lui souhaitent la bienvenue, de même en estil avec celui qui agit bien; lorsqu’il passe de ce monde dans l’autre, ses propres bonnes actions l’accueillent à son arrivée comme un parent.

Il me semble toujours que les raisons que l’on donne pour devenir sage sont de pauvres raisons. «Ne faites pas ceci, ça vous donnera de la peine, ne faites pas cela, cela fera naître en vous la peur...» Et la conscience se dessèche de plus en plus, elle devient racornie, parce qu’elle a peur d’avoir du chagrin ou peur d’avoir de la peine.

Je préférerais que l’on dise qu’il y a un certain état de conscience — que l’on peut acquérir par l’aspiration et un effort intérieur continu — où la joie est sans mélange et la lumière sans ombre, et où toute possibilité de peur disparaît; c’est l’état où l’on ne vit plus pour soi-même, mais où tout ce que l’on fait, tout ce que l’on sent, tous les mouvements sont une offrande faite au Suprême, dans une confiance absolue, en se déchargeant de la responsabilité de soi-même et en Lui passant tout le fardeau, qui n’est plus un fardeau.

C’est une joie inexprimable de ne plus avoir la responsabilité de soi-même, de ne plus avoir à penser à soi. C’est si ennuyeux, si monotone, si insipide de penser à soi, d’avoir à se soucier de ce qu’il faut faire et ne pas faire, de ce qui vous fera du bien, de ce qui vous fera du mal, de la chose qu’il faut éviter, la chose qu’il faut rechercher, oh! comme c’est ennuyeux. Mais quand on vit comme cela, tout ouvert, comme une fleur qui s’épanouit au soleil devant la Conscience suprême, la Sagesse suprême, la Lumière suprême, l’Amour suprême qui sait tout, qui peut tout, qui prend la charge de vous et vous n’avez plus aucun souci, c’est la condition idéale.

Et pourquoi ne le fait-on pas?

On n’y pense pas, on oublie de le faire, les vieilles habitudes reviennent; et surtout, il y a derrière, quelque part caché dans l’inconscient ou même dans le subconscient, ce doute perfide qui vous glisse à l’oreille: «Oh! mais si tu ne fais pas attention, il va t’arriver malheur. Si tu oublies de veiller sur toi, tu ne sais pas ce qui va se passer...» Et on est si bête, si bête, si obscur, si stupide, qu’on écoute — alors on commence à faire attention à soi, et tout est démoli.

Il faut encore recommencer à infuser dans ses cellules un petit peu de sagesse, un petit peu de bon sens, et rapprendre à ne plus se faire de souci.

30 mai 1958