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Mère

Commentaires sur Le Dhammapada

Tape records

 

Le châtiment

Tous tremblent devant le châtiment; tous craignent la mort. Jugeant les autres d’après vous-mêmes, ne tuez pas, ne soyez pas cause d’un meurtre.

Tous tremblent devant le châtiment; à tous la vie est chère. Jugeant les autres d’après vous-mêmes, ne tuez pas, ne soyez pas cause d’un meurtre.

Quiconque torture les créatures avides de bonheur tout en recherchant son propre bonheur, néanmoins ne l’obtiendra pas après sa mort.

Quiconque ne torture pas les créatures avides de bonheur tout en recherchant son propre bonheur, l’obtiendra après sa mort.

Ne dis à personne des paroles blessantes car elles te seront retournées. Les paroles coléreuses sont blessantes, et celui qui les prononce en subira le retour.

Si tu restes aussi silencieux qu’un gong brisé, tu es déjà entré en Nirvâna; car toute violence s’est apaisée en toi.

Comme le vacher, de son bâton, conduit le troupeau vers le pâturage, ainsi la vieillesse et la mort conduisent la vie hors de tous les êtres vivants.

L’insensé fait le mal sans s’en rendre compte, il est consumé et tourmenté par ses actions comme par le feu.

Celui qui fait le mal à qui n’en commet point, qui offense celui qui n’offense point, subira rapidement l’un des dix états suivants:

Il endurera d’intenses souffrances, il subira des pertes désastreuses et de pénibles douleurs corporelles, une maladie sérieuse, la folie.

Ou il sera en lutte avec l’autorité, il sera en butte à une calomnie grossière, il perdra des proches ou ses biens.

Ou bien encore l’incendie ravagera son habitation; et au moment de la dissolution de son corps il renaîtra en enfer.

Ni la coutume d’aller nu, ni celle des cheveux en torsade, ni celle d’être sale, ni le jeûne, ni le sommeil à même le sol, ni le fait de s’enduire le corps de cendres, ni le fait de prendre des postures d’ascètes, ne peuvent purifier le mortel qui n’a pas écarté tout doute.

Quoique richement vêtu, si un homme cultive la tranquillité d’esprit, s’il est calme, résigné, maître de soi, pur, s’il ne fait le mal à aucune créature, il est un brâhmane, il est un ascète, il est un bhikkhu.

Y a-t-il en ce monde assez irréprochable pour ne mériter aucun blâme, comme un pur-sang ne mérite aucun coup de fouet?

Comme un cheval fougueux, sois vif et rapide vers le but. Par la confiance, la vertu, l’énergie, la méditation, la recherche de la vérité, la perfection du savoir et de la conduite, par la foi, détruis en toi toute souffrance.

Les bâtisseurs d’aqueducs amènent l’eau. Ceux qui fabriquent les flèches les redressent. Les menuisiers tournent le bois. Les sages se maîtrisent.

On a l’impression que ces choses ont été écrites pour des gens assez primitifs. La série des calamités qui tomberont sur vous si vous faites le mal, est assez plaisante.

Il semblerait — si c’est bien la notation des paroles que le Bouddha a prononcées — qu’il devait changer les termes de ses discours suivant son auditoire, et que s’il avait affaire à des gens tout à fait frustes et sans éducation, il leur parlait un langage très matériel, avec des comparaisons tout à fait pratiques et concrètes pour qu’ils puissent comprendre. Il y a une différence de niveau très considérable entre ces choses. Certains sont devenues très célèbres, comme le dernier verset par exemple, où il est dit que l’artisan façonne la matière pour réaliser ce qu’il a à faire, et cette conclusion qui devient très frappante: le sage se maîtrise lui-même.

On a vraiment l’impression que la mentalité humaine a progressé depuis cet âge-là. La pensée est devenue plus complexe, la psychologie plus profonde, si bien que ces arguments paraissent presque enfantins. Mais si l’on se met à vouloir pratiquer, on s’aperçoit, alors, que l’on est resté à peu près au même niveau, et que si la pensée a progressé, la pratique, loin d’être meilleure, semble être pire; et il y a une simplicité enfantine, un peu saine, un manque de perversion que malheureusement l’espèce humaine ne possède plus.

Il y avait une santé morale en ce temps-là, qui maintenant a complètement disparu. Ces arguments vous font sourire, mais la pratique de ce qui est enseigné ici est beaucoup plus difficile maintenant qu’elle ne l’était alors. Il semble qu’une sorte d’hypocrisie, de prétention, de sournoise duplicité, se soit emparée de l’esprit humain, et surtout de sa manière d’être, et que les hommes aient appris à se tromper eux-mêmes d’une façon tout à fait pernicieuse.

Dans le temps, on pouvait dire: «Ne fais pas le mal, tu en seras puni», et les coeurs étaient simples, l’esprit aussi, et on disait: «Ah! vaut mieux ne pas faire le mal, parce qu’on sera puni», mais maintenant (un sourire ironique): «Oh! je m’arrangerai bien pour éviter la punition.»

La capacité mentale semble avoir grandi, le pouvoir mental semble s’être développé, on paraît être beaucoup plus capable de jouer avec les idées, de dominer mentalement tous les principes, mais, en même temps, on a perdu la candeur simple et saine des gens qui vivaient plus proches de la Nature et qui savaient moins jouer avec les idées. Ainsi, toute l’humanité semble être arrivée à un tournant très dangereux; ceux qui essayent de trouver une solution à la corruption générale prêchent un retour à la simplicité d’antan, mais c’est naturellement tout à fait impossible: on ne va pas en arrière.

Il faut aller plus loin, il faut avancer, monter vers des hauteurs plus grandes et dépasser la recherche avide du plaisir et du bien personnel, non par peur du châtiment, même d’un châtiment extra-terrestre, mais par le développement d’un sens nouveau de la beauté et d’une soif de vérité et de lumière, par la compréhension que c’est seulement en s’élargissant, en s’illuminant, en s’embrasant d’une ardeur de progrès que l’on peut trouver à la fois la paix intégrale et le bonheur durable.

Il faut monter et s’élargir — monter... et s’élargir.

18 avril 1958