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La vigilance
La vigilance est la voie qui mène à l’immortalité ou Nirvâna. La négligence est la voie qui mène à la mort. Les vigilants ne meurent pas. Les négligents sont déjà morts.
Dans ces textes, le mot Nirvâna n’est pas employé au sens d’anéantissement, comme vous le voyez, mais dans le sens d’une existence éternelle, par opposition à la vie et à la mort telles que nous les connaissons dans l’existence actuelle, terrestre, et qui sont l’une le contraire de l’autre: la vie est le contraire de la mort, la mort est le contraire de la vie. Ce n’est pas de cette vie-là qu’il est question, c’est de l’existence éternelle qui est par-delà la vie et la mort — l’existence vraie.
La vigilance, c’est d’être éveillé, sur ses gardes, sincère — ne pas se laisser prendre par surprise. À chaque moment de la vie, quand on veut faire une sâdhanâ, il y a un choix entre faire un pas vers ce qui mène au but, et s’endormir, ou même quelquefois reculer, se dire «oh! plus tard, pas tout de suite», s’asseoir sur le chemin.
Être vigilant, ce n’est pas seulement résister à ce qui tire vers le bas, mais surtout être en éveil pour ne pas perdre l’occasion de faire un progrès, l’occasion de surmonter une faiblesse, de résister à une tentation, l’occasion d’apprendre quelque chose, de corriger quelque chose, de maîtriser quelque chose. Si on est vigilant, on peut en quelques jours faire ce qui autrement prendrait des années. Si on est vigilant, on change chaque circonstance de la vie, chaque action, chaque mouvement en une occasion d’approcher du but.
Il y a deux sortes de vigilance: une vigilance passive et une vigilance active. Il y a la vigilance qui fait que l’on est averti si l’on va se tromper, si l’on est en train de mal choisir ou d’être faible, de se laisser tenter, et il y a la vigilance active qui est à la recherche de l’occasion de progresser, qui cherche à utiliser chaque circonstance pour avancer plus vite.
Il y a une différence entre s’empêcher de tomber et avancer plus vite.
Et les deux vigilances sont tout à fait nécessaires.
Celui qui n’est pas vigilant, il est déjà mort. Il a perdu le contact avec la vraie raison d’être, de vivre.
Alors les heures, les circonstances, la vie passent en vain sans rien apporter, et on s’éveille de sa somnolence dans un trou d’où il est très difficile de sortir.
17 janvier 1958