Mère
Commentaires sur Le Dhammapada
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L’être bienfaisant se réjouit dans les deux mondes, dans ce monde-ci et dans l’autre. Il se réjouit de plus en plus en se remémorant ses bonnes actions.
L’être malfaisant souffre dans les deux mondes, dans ce monde-ci et dans l’autre. «J’ai fait le mal», cette pensée le tourmente. Et ses tourments augmentent encore plus lorsqu’il suit la voie qui mène au monde infernal.
L’être bienfaisant se réjouit dans les deux mondes, dans ce monde-ci et dans l’autre. «J’ai fait le bien», cette pensée le réjouit et son bonheur augmente de plus en plus lorsqu’il suit la voie qui mène au monde céleste.
D’après ces textes, il semblerait presque que le bouddhisme accepte l’idée d’un enfer et d’un paradis; mais c’est là une façon tout à fait superficielle de comprendre, parce que, profondément, ce n’était pas la pensée du Bouddha. L’idée sur laquelle il insistait toujours, c’est que l’on crée, par sa conduite et par ses états de conscience, le monde dans lequel on vit. Chacun porte en soi-même le monde dans lequel il vit, et dans lequel il continuera de vivre même lorsqu’il perdra son corps, parce que, selon l’enseignement du Bouddha, il n’y a pour ainsi dire pas de différence entre la vie dans un corps et la vie hors du corps.
Certaines personnes croient, certaines traditions enseignent, que sortir de son corps est une bénédiction et que toutes les difficultés disparaissent, à condition, cependant, dans certaines religions, qu’on ait rempli les rites nécessaires, et c’est même ce qui donne tant d’importance aux rites religieux qui sont comme un passeport pour aller dans une région heureuse une fois que l’on a quitté son corps. Certaines personnes s’imaginent même que dès que l’on a quitté son corps, on a quitté toutes ses misères, mais c’est loin d’être vrai, et ici même le Dhammapada l’indique: ce qu’il appelle le monde infernal, ce sont les cercles psychologiques, les états de conscience particuliers dans lesquels on se trouve quand on a fait le mal, c’est-à-dire quand on s’est éloigné de tout ce qui est beau, pur, heureux, qu’on vit dans la laideur et dans la méchanceté. Rien n’est plus décourageant que de vivre dans une atmosphère de méchanceté.
Ce que le Dhammapada dit ici d’une façon qui nous paraît presque enfantine est essentiellement vrai. Naturellement, il ne s’agit pas de ceux qui pensent: «Oh! comme je suis bon, comme je suis gentil!» et qui s’en trouvent heureux. C’est un enfantillage. Mais en étant bon, en étant généreux, noble, désintéressé, en étant bienveillant, on crée une certaine atmosphère en soi, autour de soi, et cette atmosphère est comme une détente lumineuse. On respire, on s’épanouit comme la fleur au soleil, on n’a pas de repli sur soi douloureux, d’aigreurs, de révoltes, de misères; c’est spontanément, naturellement que l’atmosphère s’illumine et que l’air qu’on respire est un air heureux. Et cet air-là, c’est l’air qu’on respire dans son corps, et aussi hors de son corps, dans l’état de veille et dans l’état de sommeil, dans la vie et dans le passage hors de la vie — hors de la vie terrestre jusqu’à une vie nouvelle.
Tout acte mauvais produit sur la conscience l’effet d’un vent qui dessèche, ou d’un froid qui gèle, ou de flammes brûlantes qui vous consument.
Toute action bonne et bienveillante donne la lumière, le repos, la joie, le soleil dans lequel les fleurs s’épanouissent.
3 janvier 1958